Thomas Prud'Homoz : « Les évolutions du marché immobilier sont tributaires d'une situation inconnue et pas maîtrisée »

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Thomas Prud'Homoz, notaire associé de l’Etude KL conseil, revient sur les effets de la crise sanitaire sur le marché de l'immobilier.

Quel est l'impact de la crise sanitaire sur le marché de l'immobilier ?

La crise aura sans aucun doute un impact à court terme sur le marché immobilier. Les acquéreurs essayent d'obtenir des baisses du prix, alors que les vendeurs recherchent le maintien d'un prix avant confinement. Il existe donc un rapport de force qui pourrait bloquer le marché dans les prochaines semaines. Mais les négociations reprennent et nous devrions parvenir rapidement à un équilibre dans les relations entre acquéreurs et vendeurs : c’est à ce moment que nous aurons une vraie tendance.

L’immobilier devrait également profiter d’une défiance probable face aux liquidités et à des actifs moins stables : il y aura un attrait pour les valeurs refuges. Pour autant, il y a lieu de distinguer l’immobilier commercial et de bureaux qui souffriront sans doute plus de cette période.

Nous devrions retrouver un rythme de croisière en septembre, sous réserve néanmoins d'une seconde vague d'épidémie. L'on peut avoir beaucoup de commentaires et d'avis différents, mais on reste tributaires d'une situation inconnue et pas maîtrisée. Les acquéreurs s'attendent à ce que des experts du marché se manifestent et ces derniers s'attendent à ce que les acquéreurs et vendeurs se positionnent sur le marché. Il est donc difficile d'avoir une véritable perspective dans l’immédiat mais nous pouvons espérer plus de visibilité d'ici la fin du mois de mai.

Quels instruments techniques et juridiques nouveaux ont été adoptés par les notaires pendant la crise sanitaire ?

Trois principaux instruments techniques ont été adoptés et utilisés pour faire face à la crise sanitaire : la procuration, qui a permis aux clients d'être représentés par un collaborateur et en a évité le déplacement, puis les signatures numériques, aussi bien pour les actes sous seing privé que pour les actes authentiques. Cette nouvelle possibilité, ouverte début avril, a permis de faire signer ces actes à distance et donc de permettre de signer les actes qui pouvaient l’être.
Avec la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, ces instruments pourront être utilisés jusqu'à début août. Il est donc fort probable que cette pratique continue pendant la période de déconfinement, où l'objectif reste de la limitation des déplacements.

Pour les outils juridiques, ce sont les prorogations de délais qui ont principalement impacté nos dossiers et, plus particulièrement, les délais en matière d’urbanisme, pour les dossiers de vente. Sans attendre la fin de l’état d’urgence, ces délais reprendront normalement à partir du 24 mai.

La pratique contractuelle a été impactée par la crise, notamment par la limitation des délivrances de crédit ?

Malgré des hésitations interprétatives au début, le délai légal d’obtention de prêt n’a pas été prorogé par les ordonnances du 25 mars et celles qui ont suivies. En matière contractuelle, les techniques classiques de prorogation ont été utilisées notamment par le biais d’avenants et il n’y a donc pas eu de réelle innovation en la matière.

Que pensez-vous de la tendance tant médiatisée des personnes à la recherche de maisons ? Cela présage-t-il d'un changement durable du marché de l'immobilier ?

L’engouement des maisons est réel comme il apparaît dans les sondages et auprès des agences immobilières. Cependant, pour le moment il n'est pas concrétisé par un véritable exode des appartements vers les maisons. Il est probable que de nombreuses personnes qui hésitaient à quitter leur appartement vont confirmer cette volonté. Mais ce ne sera pas un exode massif, beaucoup de personnes reviendront sans doute sur cette envie, une fois l'émotion du confinement passée.

Quel est l'état des investissements étrangers sur le marché immobilier ?

Les investissements étrangers interviennent principalement dans l’immobilier de luxe et l’immobilier institutionnel.
Les investissements sur les biens de luxe pourraient reprendre dans les mois à venir, alors que l’investissement institutionnel étranger aura certainement une reprise plus lente. La visibilité sur les évolutions de ces investissement reste tributaire de la reprise de la circulation entre les pays.

Propos recueillis par Anne Claire Della Porta