Christophe Pettiti, vice-président de la CNBF : « La profession doit réfléchir aux solutions de viabilité économique de certains cabinets ainsi qu’à la place de l’avocat dans la société de demain »

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Alors que des avocats demandent à la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) de puiser dans ses réserves pour les aider à traverser la crise sanitaire, Christophe Pettiti, vice-président de la CNBF, affirme que ce n’est pas le rôle de la caisse mais celui de la profession, tout en ayant consacré 60 millions d’euros, soit 10 % des cotisations annuelles.

Vous comprenez les réactions de vos confrères ?

La critique est toujours intéressante. Elle a le mérite de rappeler nos mesures notamment celle adoptée à l’unanimité hier en assemblée générale de réduire une partie des cotisations du régime de base. Pour les confrères ayant de 1 à 3 ans d’ancienneté cela représente une diminution de 80% de cette cotisation. Pour les autres, cela représente 25% (soit 3 mois) de la cotisation forfaitaire.
Par ailleurs, la CNBF c’est une institution qui est composée de 145 délégués (non rémunérés) élus au suffrage universel direct par les avocats. Tous les barreaux de France et tous les composantes syndicales y sont représentés.
Les décisions sont donc réfléchies, même si elles ne répondent pas forcément à toutes les attentes.
Enfin, la CNBF est une caisse de retraite. Notre rôle reste de verser des retraites.

Que peuvent-ils attendre de la CNBF ?

L’objectif de la CNBF demeure nécessairement de verser les retraites non seulement aux retraités mais aussi aux jeunes confrères qui démarrent leur activité. Quand on touche aux réserves de la caisse, on touche à l’équilibre général su système. Avec les mesures que nous venons de prendre, tous les avocats vont avoir une baisse de cotisation, ce qui représente 30 millions d’euros. Ceci a pour conséquence une perte d'un an d’équilibre du résultat net du régime de base (épuisement des réserves en 2056 au lieu de 2057), ce qui montre les incidences considérables.

Qu’en est-il de l’aide sociale ?

25 millions d'euros sont débloqués de la réserve incapacité/décès pour abonder le fonds social de soutien aux avocats qui a été porté à 32 millions. Cela représente la moitié des réserves invalidité-décès qui normalement doivent être utilisées pour aider les avocats en cas d’accidents de la vie ou de maladie (y compris liés à la crise du coronavirus). C’est une aide exceptionnelle.
La caisse n’a pas à se substituer au fonctionnement économique des cabinets d’avocats, même si nous sommes évidemment conscients des difficultés. Nous avons accepté de prendre des risques en débloquant 60 millions d’euros (soit 10 % des cotisations annuelles). Rappelons que nous sommes la seule institution de la profession à avoir supprimé des cotisations.
Les avocats vont pouvoir obtenir une aide jusqu’à 1.000 euros pour les avocats en difficulté en renseignant un simple formulaire disponible sur notre site internet, dès lors qu’ils remplissent les conditions qui ont été fixées pour se rapprocher au mieux de la situation née de la crise sanitaire.

Enfin, Il me semble que le problème de la profession ce n’est pas le Coronavirus qui est la cause de l’accélération des difficultés rencontrées, mais un problème de viabilité économique des cabinets. En effet, plus de 22.000 avocats gagnent moins de 25.000 euros, ce qui n’est pas acceptable. Ainsi, le moindre grain de sable fait que nos confrères se trouvent dans une situation très délicate. Cette réponse, ce n’est pas à la CNBF de la donner, mais à la profession qui doit réfléchir au monde demain, à la place de l’avocat, et au mode de fonctionnement des cabinets.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier)