« La Cour de cassation est venue au secours du barème « Macron » plus d’un an après le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel »

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Le Monde du Droit a interrogé Pierre Chevillard et Camille Maurey Avocats au sein de Melville Avocats, à propos des avis rendus par la Cour de cassation le 17 juillet 2019 sur le "barème Macron" qui encadre le versement des indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pouvez-vous revenir sur le contexte de la décision ?

L’une des ordonnances du 22 septembre 2017 a instauré des planchers et des plafonds d’indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixés en fonction de l’effectif de l’entreprise et de l’ancienneté du salarié. Cette mesure phare du début du quinquennat d’Emmanuel Macron a fait l’objet d’une véritable saga judiciaire.

Pendant près d’un an, de nombreux Conseils de prud’hommes ont écarté l’application du barème, allouant des indemnisations au-delà des plafonds prévus, au motif qu’il ne permettait pas une indemnisation "adéquate" ou une "réparation appropriée" au sens des articles 10 de la Convention n° 158 et 24 de la Charte sociale européenne.

Saisie d’une demande d’avis par les Conseils de prud’hommes de Louviers et de Toulouse afin de contribuer dès que possible à une harmonisation de la jurisprudence, la formation plénière de la Cour de cassation s’est déclarée compétente pour rendre un avis et a reconnu la conformité du barème à
l’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), les autres textes invoqués ne pouvant selon la Cour être utilement mobilisés en l’espèce.

La Cour de cassation est ainsi venue au secours du barème « Macron » plus d’un an après le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel.

Comment analysez-vous cette décision ?

Les deux avis rendus par la formation plénière de la Cour de cassation sont rédigés en des termes qui ne devraient pas laisser place à des interprétations divergentes. 

La Cour de cassation a effectivement considéré, sans détour ni réserve, que le barème d’indemnisation applicable en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse est conforme à l’article 10 de la convention OIT n° 158.

On peut légitimement penser que ces avis seront suivis par les cours d’appel de Paris et de Reims amenés à se prononcer le 25 septembre prochain.

Quelles sont les conséquences sur les contentieux à venir ?

A en croire les annonces qui ont pu être faites, il faut s’attendre, au moins dans un premier temps, à un mouvement de résistance de la part de certains Conseils de prud’hommes, que l’on souhaite de courte durée afin d’apporter le plus rapidement possible un maximum de sécurité juridique et de
prévisibilité aux justiciables, quels qu’ils soient.

Il faut également s’attendre, sur les prochains mois, à une intensification de deux phénomènes auxquels nous avons assisté dès l’instauration des plafonds d’indemnisation, à savoir, la demande fréquente de nullité du licenciement et de reconnaissance de préjudices distincts de celui résultant de
la perte d’emploi, situations permettant d’écarter le barème.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier)