Michael W. Bühler, Associé, Jones Day

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Michael W. Bühler - Associé - Jones DayLe Monde du Droit a rencontré Michael W. Bühler, Associé, Jones Day qui était en charge de la révision intégrale du règlement d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI). Selon lui, "si le nouveau règlement ne va pas révolutionner l'arbitrage CCI, il devrait consolider le premier rôle que joue la Cour internationale d'arbitrage de la CCI dans l'arbitrage commercial sur un plan mondial."

Comment avez-vous été choisi pour participer à la rédaction du nouveau règlement d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) ?

J'ai été sollicité par la Commission de l'arbitrage de la CCI en 2008, époque à laquelle j'étais encore membre de la Cour internationale d'arbitrage de la CCI (1997 à 2009). Il a dû paraître opportun d'avoir aux côtés du Président de la Commission, Me Peter Wolrich, juriste de formation common law, un avocat qui, comme moi, soit de formation juridique « civiliste ». Par ailleurs, j'avais déjà contribué à la révision du règlement en 1998 et co-rédigé un ouvrage sur l'arbitrage CCI, le Handbook of ICC arbitration (Thomson Reuters, 2e édition 2008).

Vous avez co-présidé une Task Force de 180 spécialistes du règlement des différends, comment fonctionnait-elle ? Comment les décisions de révision étaient-elles adoptées ?

Nous avons créé, fin 2008, un comité de rédaction composé de vingt membres, dont deux juristes d'entreprise, issus de 14 pays différents. Ce Comité a revu le règlement d'arbitrage article par article, recueillant des avis et propositions de la part d'un large éventail de personnes au sein de la Task Force, mais aussi à l'extérieur. Par la suite, ce Comité - que je co-présidais aux côtés de Me Peter Wolrich et de Me Laurie Craig - a soumis des propositions de textes à la Task Force en vue de recueillir ses commentaires écrits, puis d'en débattre lors de séances réunissant toujours un très grand nombre de ses membres à Paris. Sur la base des critiques et réactions de la Task Force, ces propositions de texte ont été soumises à la Commission de l'arbitrage de la CCI qui, elle seule, a vocation à adopter les textes. Le comité de rédaction a toujours opéré par voie de consensus. En revanche, chaque nouvel article ainsi que chaque article, objet d'une révision, a fait l'objet d'un vote formel lors de séances de la Task Force et de la Commission. Enfin, le texte final, tel qu'adopté par la Commission en mai 2011, a été approuvé par le Conseil mondial de la CCI lors de sa réunion annuelle en juin 2011 à Mexico.

Quel a été votre rôle dans la rédaction du nouveau règlement d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) ?

J'ai assisté, pendant plus de deux ans, à une trentaine de réunions de travail dédiées à la révision du règlement.

Quels sont les principaux changements apportés ?

Tout d'abord, un cadre clair et transparent a été donné pour toutes les questions touchant aux arbitrages dites multi-parties, qui concernent des procédures dans lesquelles sont impliquées plus de deux parties, parfois sur la base de plusieurs contrats. Le nouveau règlement qui décrit la pratique de la Cour d'arbitrage CCI en la matière et en fixe les limites, devrait permettre une plus grande sécurité juridique. La CCI a créé ainsi de nouveaux standards qui ne passeront pas inaperçus dans le monde de l'arbitrage institutionnel.

Par ailleurs, plusieurs nouvelles dispositions ont été adoptées afin de permettre une plus grande efficacité des procédures arbitrales, notamment par une réduction de sa durée, mais aussi des coûts associés. C'est un point clé de la réforme.

Enfin, le nouveau règlement prévoit pour la première fois le recours à un « emergency arbitrator », à savoir un arbitre qui a le pouvoir d'ordonner de mesures provisoires dans la période préalable à la constitution du tribunal arbitral.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste la possibilité de solliciter un « arbitre d'urgence » ?

Il permet à des parties qui sont liées par une clause d'arbitrage d'obtenir de mesures provisoires d'un arbitre avant même que le tribunal arbitral n'ait été constitué, et donc sans recours au juge étatique. Même si les parties restent libres de saisir directement le juge des référés, il y a bien des cas où elles pourront désormais préférer le recours à l'« emergency arbitrator », que la version française du nouveau règlement d'arbitrage traduit par «arbitre d'urgence ». Cet arbitre pourrait, par exemple, être saisi, pour empêcher une partie d'appeler une garantie bancaire à première demande dans un cas de litige entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur principal lorsque l'appel de la garantie pourrait être de nature à aggraver le litige, ou tout simplement être abusif. L'ordonnance de l'arbitre d'urgence lie les parties mais à l'inverse d'une sentence arbitrale, n'est pas directement exécutoire, ce qui limite forcément la portée des nouvelles dispositions. Elles restent toutefois un nouvel outil dans l'arsenal des moyens mis à la disposition des opérateurs du commerce pour régler leur différend par la voie de l'arbitrage.

Au final, que pensez-vous de ce nouveau règlement ?

Même si le nouveau règlement ne va pas révolutionner l'arbitrage CCI, il devrait consolider le premier rôle que joue la Cour internationale d'arbitrage de la CCI dans l'arbitrage commercial sur un plan mondial. Ayant depuis 1923 son siège à Paris, la CCI a beaucoup contribué à projeter Paris comme l'une des premières places d'arbitrage du monde. En atteste, entre autres, la concentration de cabinets d'avocats spécialisés en arbitrage international que l'on trouve sur la place de Paris.


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