David Taylor : gestionnaire planétaire des noms de domaine

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David Taylor a créé au sein de Lovells une équipe unique au monde capable de déposer, suivre, gérer, récupérer les noms de domaine de ses clients à travers le monde. Itinéraire d’un pionnier et décryptage de la toile.

Solicitor en Angleterre, avocat à Paris, ingénieur diplômé de l’Université de Birmingham et titulaire d’un doctorat en Physique de l’Université de Grenoble, David Taylor a plusieurs cordes à son arc. Ce n’était donc pas une surprise qu’il fut un des premiers avocats à s’intéresser à Internet dès 1996. A l’époque – il était déjà chez Lovells - quand le mot Internet apparaissait dans un contrat ou dans un document, celui-ci atterrissait sur le bureau de David.

Internet n’ayant pas de patrie et David parlant un très bon Français, il pouvait choisir l’endroit d’où il exercerait sa spécialité. Il a choisi Paris. " Pourquoi être ailleurs ? " demande-t-il en souriant et en regardant par la fenêtre. Difficile de lui donner tort comme notre discussion se déroule dans une des salles de réunion du bureau parisien de Lovells au sixième étage d’un immeuble donnant directement sur l’Arc de Triomphe. David Taylor est aussi modeste que sympathique et c’est avec beaucoup d’humour qu’il décrit le chemin parcouru entre 1996 et aujourd’hui. Il est maintenant à la tête d’une équipe de douze personnes dont la mission est de fournir à ses clients une prestation complète et planétaire de gestion de leurs noms de domaine.

La prestation fournie par David Taylor et son équipe répond à un besoin évident. Quand une entreprise multinationale dispose de dizaines ou de centaines de marques et d’une présence commerciale sur plusieurs continents, la stratégie Internet est un casse-tête. Faut-il avoir autant de noms de domaine que de marques ? Faut-il déposer en .com, en .fr, en .co.uk, en .eu et dans tous les pays du monde ? Faut-il aller jusqu’à déposer son propre nom avec des fautes de frappe pour éviter que quelqu’un d’autre ne le fasse ? vuitton mais aussi vuittton, cocacola et cocacola... les questions sont aussi innombrables que les variantes et certaines sociétés ont des centaines et parfois des milliers de noms de domaine à leur actif. Puis vient une batterie de questions supplémentaires : où dépose-t-on ses noms de domaine ? Avec quel prestataire ? Faut-il essayer coûte que coûte de récupérer les noms déjà déposés par d’autres que ces derniers soient de bonne foi ou malveillants ? David Taylor et son équipe ont décidé de répondre à toutes ces questions en proposant à leurs clients un guichet unique qui gère tous ces problèmes dans plus de 160 pays.

Le nom de David Taylor apparaît dans la plupart des organisations internationales qui gèrent les conflits liés aux noms de domaines. Il est même un membre d’une des entités de l’ICANN, l’organisation americano-internationale qui est legendarme mondial de l’Internet et décide de l’attribution des extensions de noms de domaine dans le monde entier (l’extension, c’est ce qui vient après le . c’est-à-dire le com, le org, le net et autres gTLD – Generic Top Level Domain – comme des ccTLD – Country Code Top Level Domain que sont les .fr, .co.uk, .be ou autres).

Il était donc logique que nous interrogions David Taylor sur la révolution annoncée par la presse à l’issue d’une conférence réunie à Paris par l’ICANN qui vient de décider de la libéralisation générale de toutes les extensions de noms de domaine, dites TLD (Top Level Domain).

Nouvelles règles : ce ne sera ni la confusion, ni la panique

Les Echos du 23 juin 2008 annonçaient " Outre les .com, .net, ou .org, dès le premier trimestre de 2009, les 1,3 milliard d’internautes pourront acquérir des adresses génériques, en déposant des mots comme .amour, .haine ou .ville ".

Le Herald Tribune renchérissait en criant " The race is on : get your own internet domain ".

Malgré l’agitation créée par l’effet d’annonce, la réalité est toute autre. Selon David Taylor, il n’y aura ni des millions de nouvelles extensions de noms de domaine ni même des milliers. Ce que la presse n’explique pas, c’est que ces nouvelles extensions ne pourront être attribuées que par des sociétés habilitées disposant de toutes les capacités techniques et des références nécessaires. Ainsi, une société ou un organisme devra montrer patte blanche aux autorités de l’ICANN afin d’être approuvé pour distribuer des noms de domaine se terminant par .paris, par exemple. De même, pour être le dépositaire d’un .orange, il faudra sans doute cultiver le fruit ou être l’opérateur téléphonique.

Même si toutes les règles ne sont pas encore déterminées, celui qui administrera une nouvelle extension devra montrer qu’il peut payer son droit d’entrée (probablement plus de 100.000 €), que son business model est viable, qu’il a la capacité technique de gérer un registre et enfin, qu’il est capable de faire face aux problématiques liées à la propriété intellectuelle.

Remettant en perspective l’excitation de la presse sur le sujet, David Taylor rappelle que dans les années 80, sept gTLD furent créés dont .com, .net et .org. Pendant les douze années qui suivirent seules sept nouvelles extensions furent rajoutées dont .biz ou .info. Il existe actuellement 21 gTLD dont la majorité n’a qu’une utilisation très limitée tel que .aero qui peut difficilement intéresser quelqu’un qui n’est pas dans l’industrie aéronautique ... et encore.

Certes, il y a quelques pseudo gTLD qui ont été promus par des sociétés de gestion de noms de domaine. Ainsi, de nombreuses personnes se sont vues encouragées à déposer leur nom en .tv s’ils envisageaient de faire de la télévision sur Internet. Ce que ces personnes ne savaient pas, c’est que le .tv est en réalité le nom de domaine des îles Tuvalu, archipel perdu du Pacifique. De même, ceux qui ont été induits à croire qu’un enregistrement de leur marque sous l’extension .tm (qui ressemble aux initiales de trademark) serait un gage de protection, ont eu la mauvaise surprise de découvrir qu’il s’agissait en réalité de l’extension du Turkménistan !

Quelques conseils

Face à la multiplication annoncée des extensions de noms de domaine, David Taylor se montre rassurant. Il faudra toutefois prendre un certain nombre de précautions pour éviter d’être pris en défaut. Ainsi, quand les nouvelles extensions de noms de domaines seront créés, des périodes d’enregistrement prioritaires seront généralement mises en place au profit de ceux qui auront une légitimité à en profiter. Il faut donc que les sociétés concernées vérifient que leurs marques sont bien enregistrées pour profiter de ces procédures d’enregistrement prioritaires. En tous cas la procédure UDRP (Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy) maintenant bien connue qui vise à régler les litiges entre parties devra obligatoirement être mise en place pour chaque nouvelle extension.

Il faudra également surveiller la création de nouvelles extensions de noms de domaine ainsi que l’enregistrement de noms de domaine dans des typographies non latines, car les extensions en caractères chinois, japonais ou arabes seront possibles.

D’une manière générale, il faudra que les sociétés renforcent leurs procédures de surveillance sur le net afin de décider de l’opportunité d’enregistrer des noms de domaine, soit pour attirer d’avantage d’internautes, soit à titre défensif pour éviter un usage malveillant par d’autres.


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