"Nous sommes favorables à l'abrogation pure et simple de la loi Macron"

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Charlotte Girard, co-responsable du programme de la France insoumiseCharlotte Girard, co-responsable du programme de la France insoumise, explique les propositions de Jean-Luc Mélenchon sur la justice. L'objectif est qu'en 5 ans, la France ne soit plus comme aujourd'hui parmi les 6 derniers pays européens pour le budget consacré à sa justice, mais parmi les 6 premiers. Jean-Luc Mélenchon prévoit notamment de doubler le nombre de magistrats et prône l'abrogation de la Loi Macron. Explications...

La justice en France est "à bout de souffle" selon les termes du garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas. Proposez-vous de donner davantage de moyens à la justice ?

Oui. Nous sommes les seuls à avoir chiffré l'effort considérable à faire pour sortir la justice de l'état de clochardisation dans lequel elle est abandonnée depuis des années. Hors investissements immobiliers indispensables (construction et rénovation de tribunaux), nous prévoyons d'augmenter de 2,5 milliards sur 5 ans le budget de la justice, en partant des 6,9 milliards du budget 2017. 18.000 emplois de magistrats et de greffiers seront créés, en organisant 2 ou 3 concours externes par an et en ouvrant davantage les différentes voies d'intégrations directes. La protection judiciaire de la jeunesse sera renforcée, ainsi que l'administration pénitentiaire, avec la création de 2.000 emplois nets. L'objectif est qu'en 5 ans, la France ne soit plus comme aujourd'hui parmi les 6 derniers pays européens pour le budget consacré à sa justice, mais parmi les 6 premiers.

Que pensez-vous de votre caricature d'homme préhistorique réalisée dans le cadre de la campagne du barreau de Paris qui dénonce votre vision préhistorique de la justice ?

Cette campagne nous paraît salutaire dans la mesure où elle grime de la sorte tous les candidats à l'élection présidentielle. Elle met très justement l'accent sur le choix politique de priver l'institution judiciaire, service public essentiel et pilier de la République, des moyens nécessaires pour remplir ses missions. Notre objectif est donc d'être considérés le plus rapidement possible comme les Homo sapiens sapiens que nous sommes !

Faut-il réformer l'institution judiciaire dans son ensemble ? Faut-il davantage de magistrats ?

Il faut une révolution judiciaire dans le cadre de la révolution citoyenne que nous portons pour l'ensemble de notre société. La refondation de la République par une assemblée constituante ne peut se faire en laissant la justice à l'écart. Il faut allier indépendance des magistrats et responsabilité. Notre proposition du Conseil supérieur de la Justice remplacera plusieurs instances et avec davantage de moyens. Il intégrera le Conseil supérieur de la magistrature et la direction des services judiciaires. Vous trouverez nos propositions précises contenues dans "L'Avenir en commun" et dans le livret thématique qui sera rendu public dans quelques jours.
Concernant le nombre de magistrats (8.600), nous prévoyons d'en doubler le nombre en 5 ans.

Certains des candidats à l'élection présidentielle proposent de créer des places de prison. Qu'en dites-vous ?

S'il faut assurément mettre fin aux conditions indignes de détention dans nombre d'établissements, nous sommes opposés à la création de places supplémentaires. La France a connu une explosion de la population carcérale depuis 2002, passant de 50.000 à 70.000 détenus.
Des organisations comme l'OIP (Observatoire International des Prisons) rappellent fort justement que la détention n'est pas tournée vers la réinsertion, que le taux de récidive pour les courtes peines est accablant et que la création de places de prison conduirait à les remplir, en l'état actuel du droit. Il faut au contraire s'inspirer des pays européens qui connaissent une déflation carcérale, en proposant notamment, dès le début de l’incarcération, un parcours de réinsertion, mais aussi en développant la prévention et les peines alternatives.

Enfin, quelles sont vos propositions pour les professionnels du droit ? Faut-il revoir la loi Macron dont l'application, en ce qui concerne les notaires, a tourné au fiasco ?

Nous sommes favorables à l'abrogation pure et simple de la loi Macron. M. Macron n'a fait que préparer une ubérisation du droit. Au contraire, dès notre arrivée au pouvoir, la concertation avec les professionnels concernés reprendra avec l'objectif central de sécuriser leur exercice pour améliorer leur apport au service public, en tant qu'auxiliaires de justice. Ceci vaut aussi pour les avocats. Dans un premier temps, nous revaloriserons de manière substantielle l'aide juridictionnelle. Nous mettrons fin aussi au scandale des tribunaux de commerce, en y introduisant l'échevinage et par une fonctionnarisation de leurs greffes, à l'instar de ce qui existe en Alsace-Moselle.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier)