Sanctions contre la Russie : impact sur le conseil en matière de propriéte intellectuelle

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Charles-Antoine Joly, avocat associé chez DS Avocats, explique l'impact des sanctions contre la Russie sur le conseil en matière de propriéte intellectuelle.

Le Conseil européen a adopté la semaine dernière un 8ème paquet de sanctions dans le cadre de l’invasion de l’Ukraine (Règlement (UE) 2022/1904 et Décision PESC 2022/1909 du 6 octobre 2022).

Ces mesures entraînent des conséquences directes sur les avocats et conseils en propriété industrielle puisque certains services leur sont dorénavant interdits.

Petit résumé de ces interdictions et quelques conseils :

Il est interdit de fournir, directement ou indirectement, des services de conseil juridique au gouvernement russe et aux personnes morales établies en Russie : Il n’est pas possible de déposer une marque, un dessin et modèle ou un brevet dans un État membre de l’Union Européenne ou auprès des offices européens (EUIPO ou OEB) pour le compte du gouvernement russe ou de personnes morales établies en Russie. Cela vaut naturellement également pour le renouvellement de ces titres.

En revanche, aux termes de l’article 7 du Règlement précité, il est toujours possible de fournir les prestations susvisées pour les filiales russes de sociétés établies ou constituées selon la législation d'un État membre OU pour les filiales européennes de sociétés russes.

Il est donc possible d’accompagner la filiale russe d’une société établie ou constituée selon la législation d'un État membre pour le dépôt (ou renouvellement) d’une marque, d’un dessin et modèle ou d’un brevet auprès des offices nationaux ou européens.

S’agissant des paiements de taxes auprès de l’Office Russe (Rospatent), il est permis d’effectuer un paiement simple par virement. Il est par contre impossible de payer en cartes bancaires.

Qu’en est-il des procédures administratives ou judiciaires en cours impliquant une société russe ?

Le considérant 19 du Règlement (UE) 2022/1904 indique que les « services de conseil juridique » couvrent la fourniture de conseils juridiques aux clients en matière gracieuse, y compris les transactions commerciales, impliquant une application ou une interprétation du droit ; la participation à des opérations commerciales, à des négociations et à d’autres transactions avec des tiers, avec des clients ou pour le compte de ceux-ci ; la préparation, l’exécution et la vérification des documents juridiques.

Les « services de conseil juridique » ne comprennent pas la représentation, les conseils, la préparation de documents ou la vérification des documents dans le cadre des services de représentation juridique, à savoir dans des affaires ou des procédures devant des organes administratifs, des cours ou d’autres tribunaux officiels dûment constitués, ou dans des procédures d’arbitrage et de médiation. 

Ainsi, la représentation, par un avocat européen, d’un client russe dans le cas d’un litige devant une juridiction nationale ou européenne (ou un office national ou européen) n’est pas soumise à interdiction et peut être ainsi maintenue.

Enfin, ces interdictions ne s’appliquent pas aux personnes physiques, il est donc toujours possible de fournir aux citoyens russes, personnes physiques, des conseils en matière de propriété intellectuelle.

Attention en tout état de cause à facturer ou payer vos prestations en euros et non en dollars américains sous peine de devoir être soumis aux régimes de sanctions américaines du seul fait de l’usage de la monnaie américaine.

Pour rappel, une société établie ou constituée selon la législation d'un État membre peut toujours déposer des titres de propriété intellectuelle en Russie (marque, dessin et modèle ou brevet).

Attention cependant

  • une société européenne ne peut pas licencier ses droits de propriété intellectuelle si ces derniers peuvent servir à fabriquer un produit ou une technologie faisant l’objet de mesures d’embargos vis-à-vis de la Russie ;
  • De plus, il est très difficile de protéger ses droits de marque actuellement en Russie. Le même signe peut ainsi être refusé à l’enregistrement quand le déposant est européen et accepté quand le déposant est russe !

Ainsi, il est donc toujours possible de protéger la propriété intellectuelle de clients russes en Europe sous les réserves ci-dessus rappelées, même si la propriété intellectuelle de clients européens n’est quant à elle plus vraiment protégée en Russie !

Charles-Antoine Joly, avocat associé chez DS Avocats. Il accompagne des entreprises de toutes tailles dans leurs problématiques de propriété industrielle, notamment en droit des marques et des brevets, et ce, tant en France qu'à l'étranger.

Avec le concours du Département Douane et Commerce International DS Avocats