Parité : comment accélérer le mouvement ?

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À l’occasion des Assises de la Parité organisées par l’International Women's Forum le 28 juin 2022, une table ronde a fait le point sur la parité dans les entreprises et dressé des perspectives pour accélérer le mouvement.

La loi « Copé-Zimmermann » du 27 janvier 2011 a permis d’accélérer la féminisation des conseils d’administration en imposant un quota minimum de 40 % de femmes dans les conseils d’administration.

La loi « Rixain » du 24 décembre 2021 est allée plus loin en proposant une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les postes de direction des entreprises d’au moins 1.000 salariés pour le troisième exercice consécutif (au moins 30 % de femmes cadres dirigeantes et membres d’instances dirigeantes à partir du 1er mars 2026 puis 40 % au 1er mars 2029).

Des progrès à accomplir

Ces lois ont donné une vraie impulsion à la parité dans les entreprises. « Si on prend la Fédération Française de Football, les ligues départementales, régionales se sont pliées à la règle alors que ce n’était pas évident » observe Thierry Teboul​, Directeur général de l’AFDAS.
Ainsi, la question de la féminisation de la pratique s’est posée pour faire émerger des dirigeantes.
« Il faut forcément développer des programmes de professionnalisation qui permettent à ces personnes de ne pas être là pour faire le nombre parmi les dirigeants, mais d'être légitimes ».

Cependant, des progrès restent à faire dans les instances de gouvernance des petites capitalisations boursières, des sociétés non cotées ou encore des PME.
« Certaines entreprises qui ont des difficultés de recrutement s'inquiètent des impératifs législatifs nouveaux alors que la féminisation de leurs instances de direction, vise surtout à leur permettre de mieux se développer et à créer davantage de bénéfices, au profit évidemment des entreprises, mais également au profit de leurs équipes et de la place des femmes dans notre économie » explique Marie-Pierre Rixain, députée de l’Essonne et Présidente de la délégation aux droits des femmes - Assemblée Nationale.

Leviers du changement

Comment amorcer le changement ? Pour changer les choses, il faut faire preuve de pédagogie, selon Anne-Sophie Beraud​, SVP Diversity &, Inclusion & Social Care, Accor.

L’entraide entre les femmes compte aussi pour Victoire de Margerie​, Vice-Présidente Corporate Equity, Marketing & Communications, Dassault Systèmes. « Nous devons nous coopter, nous aider. Il faut aussi se créer des alliés, rentrer dans des réseaux. Enfin, il existe des modèles, des mentors qui nous font avancer. »

Anne-Sophie Beraud​ abonde dans ce sens. « Il faut des modèles de leadership différents qui permettent aux femmes de se projeter ». Chez Accor, le défi était de mettre en place une politique de mixité et de parité au niveau mondial, avec des pays qui sont complètement différents en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient ou en Chine. La priorité a été mise sur l’égalité salariale et la représentation des femmes à des postes clés.
Aujourd’hui, on dénombre 37 % de directrices d’hôtel dans le groupe Accor. L’objectif est d’atteindre 40 % en 2025 « en travaillant sur des programmes de talents, de management pour donner envie à des femmes de progresser » précise Anne-Sophie Beraud.

La SNCF n’a pas attendu les lois sur la parité pour féminiser ses instances dirigeantes.
Aujourd’hui, sur les 7 sociétés du groupe, 3 femmes sont présidentes (Kéolis, Géodis et Gares et Connexions). Cependant, ce n’est pas suffisant, estime François Nogué, DRH​ – SNCF.
La principale préoccupation de la SNCF est « comment faire pour avoir des viviers à l'intérieur de l'entreprise afin que nous ne soyons pas obligés d'aller chercher des femmes à l'extérieur pour les mettre dans les postes de dirigeants, notamment dans les entreprises industrielles, les entreprises de main d'œuvre ».
Pour l’entreprise publique, au-delà du plafond de verre, de la promotion des femmes dans des postes de direction, l’enjeu, c'est la féminisation des métiers comme les métiers de conducteur, d’aiguilleur, de mécanicien, d’électromécanicien. Par conséquent, Il est nécessaire de rendre attractif ces métiers pour attirer les femmes. « Ce n'est pas que le problème de l'entreprise, c'est le problème de la société, c'est le problème des représentations culturelles des collégiennes, des lycéennes » explique François Nogué.
Il faut prendre en compte le fait que les femmes sont minoritaires dans les filières techniques.
La SNCF essaie également de recruter des femmes plus expérimentées avec Pôle Emploi, « en investissant sur des passerelles », sur des formations. Enfin, l’entreprise sensibilise les jeunes filles dans les collèges et lycées sur les différents métiers du groupe.

Marie-Pierre Rixain ajoute qu’un certain nombre d’entreprises ne comprennent pas l’intérêt d’avoir une féminisation de leur encadrement et de leurs équipes. « Les entreprises n'imaginent pas que l'une des clés de leur dynamisme économique et de leur développement est la féminisation de leurs équipes ».
En ce qui concerne l’index de l’égalité professionnelle qui doit être calculé et publié chaque année par les entreprises d’au moins 50 salariés, la députée considère que certaines entreprises doivent fournir un effort. « Je crois qu'on a une prise de conscience, notamment sur le retour du congé maternité. C'est l’un des indices aujourd'hui sur lesquels les entreprises ont le plus de difficultés ».

Accélérer le mouvement

Comment accélérer le mouvement ?
« Il y a une démarche déductive, mais il faut aussi une démarche inductive en la matière » selon Thierry Teboul​. « Par exemple, dans l'audiovisuel public, vous n’avez que des femmes aujourd'hui à la tête, mais a-t-on résolu la question de la mixité dans l'entreprise ? Je ne suis pas sûr ».
Il préconise de « changer de récit » et de ne pas « rester que sur les nominations ».
En définitive, il faut adopter une démarche plus inclusive.

Pour Marie-Pierre Rixain, la société doit s’équilibrer. S’il est nécessaire d’accélérer le mouvement, c’est parce qu’ « il y a 25 % inégalités économiques entre les femmes et les hommes, 42 % au moment de la retraite. Il faut réussir à équilibrer et faire en sorte que les hommes prennent davantage leur part dans la vie familiale et parentale. Pour pouvoir permettre aux femmes d'intégrer la vie économique, nous devons également apporter davantage d'équilibre social ».

On observe une très grande interdépendance entre ce qui se passe dans la famille et ce qui se passe dans la société. De l’avis des intervenants, il faut, par exemple, changer les mentalités sur le congé paternité afin qu’il soit davantage utilisé. « Si on portait une sorte de jugement moral sur le fait de pas avoir pris son congé paternité, cela pourrait faire avancer les choses » estime Thierry Teboul​.

 Arnaud Dumourier (@adumourier