PFUE 2022 - La nouvelle lutte contre la contrefaçon : l’innovation au service de la défense des droits

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Le 9 février 2022, dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) a organisé une Conférence internationale sur la propriété intellectuelle. Dans la continuité de la mise en place de la juridiction unifiée du brevet, la France et l’Union européenne veulent faire de la lutte contre la contrefaçon une des priorités contemporaines car, « L’Europe c’est la promesse du progrès [et] le progrès repose sur l’innovation », introduit Eric Dupond-Moretti.

« Le phénomène de la contrefaçon est un fléau »

Il est important de mesurer l’ampleur du phénomène que représente la contrefaçon. La contrefaçon c’est 3% du commerce mondial - indique d’emblée Delphine Sarfati-Sobreira, Directrice général de l’UNIFAB – soit une économie de plus de 400 000 milliards d’euros et 38 000 emplois en France.

Et, outre les pertes de revenus des autorités publiques – qui peuvent s’élever à plusieurs dizaines de milliards d’euros tous les ans -, il est absolument nécessaire de comprendre la dangerosité de la contrefaçon. En effet, les conséquences des atteintes aux droits de propriété sont multiples : les entreprises perdent du chiffre d’affaires, elles ont un problème d’image, elles perdent en capacité d’investissement ; les consommateurs eux souffrent de pertes économiques et mettent leur sécurité et leur santé en péril face à des produits (jouets, médicaments, …) de moins bonne qualité, liste Paul Maier, Directeur de l’Observatoire Européen des atteintes aux Droits de la propriété intellectuelle. Il nous rappelle ainsi que la contrefaçon est « une réalité criminelle » qui, en France, est un délit, douanier, punit jusqu’à 3 ans d’emprisonnement – 10 ans s’il s’inscrit dans une organisation.

« Aujourd’hui, le commerce en ligne est devenu le fournisseur n°1 en matière de produits de contrefaçon, tous secteurs d’activité confondus »

Alors qu’en 1994, les douanes ne saisissaient que 200 000 articles contrefaisants, elles en saisissent, en 2020, 5,6 millions, dans tous les domaines. En effet, il y a eu vingtaine d’année, la contrefaçon était quelque chose d’assez artisanale, des produits qu’on ramenait de vacances. Aujourd’hui, c’est un phénomène massif et industrialisé, fait le constat Christian Peugeot, Président de l’Association française de lutte anti-contrefaçon (UNIFAB).

« La contrefaçon est une pandémie dans la pandémie », le phénomène de la contrefaçon est un fléau, qui ne cesse d’augmenter. En l’occurrence, de 2016 à 2020, il y a eu une augmentation de 38% du nombre de produits contrefaisants. La crise sanitaire a changé totalement les habitudes d’achat des consommateurs faisant de l'e-commerce le premier responsable de ce phénomène. Sur les onze derniers mois, 25 entreprises membres de l’UNIFAB ont déréférencé plus de 27 millions de produits de contrefaçon en ligne. En perspective, les saisies douanières annuelles sont de l’ordre de 5 millions, expose Julie Hervé, Conseillère régionale Propriété intellectuelle en Chine.

Marie-Laure Bonnaffous, Responsable de la propriété intellectuelle pour la Maison de Couture italienne FENDI, fait le constat d’un phénomène global : la contrefaçon touche tout le monde, elle est accessible partout et les produits proposés sont infinis.

« Comment faire pour y répondre ? Le 1er mot est la coopération »

« Il faut que toutes les personnes du côté de la légalité coopèrent : le secteur privé, le secteur public et les consommateurs » affirme Paul Maier. Avant tout, les entreprises doivent se mobiliser. Cela passe d’abord par l’enregistrement valide de leurs droits et leur renouvellement, en Europe, mais aussi dans les pays tiers. Elles doivent ensuite, en cas d’atteinte, déposer systématiquement des demandes d’intervention pour que les douanes puissent agir. Concernant les plateformes de vente en ligne, celles-ci doivent communiquer le plus d’informations possibles sur les annonces frauduleuses et les retirer. Et, les entreprises suivent comme le démontre May Berthelot, Responsable Réputation et lutte anti-contrefaçon Le Bon Coin- Vide Dressing, qui indique que le site internet a, en 2021, procéder au blocage ou à la suppression de 71 millions d’euros de produits contrefaisants.

Les institutions se doivent aussi d’échanger, l’UNICAB, l’UNIFAB, Europol, Eurojust, les IP attachés à l’étranger ainsi que les pouvoirs publics et l’Europe. Si les intervenants ne sont pas tout à fait d’accord sur la qualité de la législation européenne (Digital Services Act), il est louable que les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe aient notamment adopté une convention luttant contre la falsification de produits médiaux et produits similaires. Encore, l’harmonisation des législations et la création de la juridiction unifiée du brevet sont des réponses clefs.

Mais, au-delà d’une législation adaptée – en cours d’élaboration avec la proposition de loi de modernisation de la lutte contre la contrefaçon - le secteur public doit faire d’énormes progrès en matière de communication. Il est absolument nécessaire que les consommateurs prennent conscience d’une part, que les contrefacteurs sont des criminels faisant aujourd’hui partie de grands réseaux et, d’autre part, des risques qui peuvent découler des produits contrefaisants.

« La lutte contre la contrefaçon a un coût »

C’est une réalité à laquelle sont confrontées Marie-Laure Bonnaffous et May Berthelot qui avouent avoir occasionnellement du mal à justifier les sommes employées dans cette lutte. En effet, il y a d’abord les coûts d’enregistrement et de renouvellement des droits, qui varient selon les pays. Ensuite, il y a le coût du monitoring. Particulièrement, les plateformes en ligne doivent investir de plus en plus dans l’élaboration d’algorithmes, de bases de données et dans les ressources humaines pour détecter des copies de plus en plus proches des produits originaux, noyés dans une masse inédite. Et, finalement, il y a le coût lié au stockage et à la destruction des produits contrefaisants, qui est parfois laissé aux frais des titulaires de droits.

Une lutte déterminée est donc engagée contre la contrefaçon. Mais, si la lutte contre la contrefaçon en ligne est mise en place, de nouvelles problématiques naissent avec l’émergence d’un univers numérique nouveau, notamment avec les métaverses et les NFT.

Lisa Saccard