Eclairage juridique sur le projet de loi 4D

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Issu du Grand Débat national, après un an de concertations, le gouvernement présente un projet de loi portant sur des mesures orientées vers l'action des élus locaux (régions, départements, communes et intercommunalités).

Les axes de ce projet de loi sont les suivants :

⮚ Différenciation : permettre à chaque territoire d’adapter plus librement son organisation et ses actions ;

⮚ Décentralisation : accroître les responsabilités conférées aux collectivités territoriales ;

⮚ Déconcentration : conforter les services territoriaux de l’Etat ;

⮚ Décomplexification : simplification de l’action publique locale.

C’est au regard de ces ambitions que le projet de loi a été baptisé « 4D » et présenté en Conseil des ministres le 12 mai 2021. Il prévoit un certain nombre de réforme en matière d’urbanisme, sur lesquelles il convient de s’arrêter.

Le gouvernement marque une préoccupation en matière d’écologie en décidant de conférer une plus grande autonomie aux collectivités dans des secteurs à protéger.

  • La gestion des zones Natura 2000 terrestres, réseau de sites naturel qui vise à assurer la survie à long terme des espèces et des habitats particulièrement menacés, sera désormais confiée aux régions et non plus à l’Etat.
  • Les pouvoirs du maire pour protéger les espaces naturels seront étendus pour en réguler l’accès par exemple.
  • Les régions pourront désormais gérer une partie des fonds nationaux de soutien à la production de chaleur par les énergies renouvelables et de soutien à l’économie circulaire par le tri et le recyclage des déchets.

Le domaine de compétence transmise n’est pas insignifiant, puisque le réseau Natura 2000 compte en France 1 779 sites dont 212 sites marins. La superficie totale est de 200 364 km², ce qui représente 12,9 % de la surface terrestre et marine du territoire de la France. Cette réforme va permettre de renouer le dialogue entre les tenants d’objectifs protecteur de la nature et les élus locaux. De fait, le réseau Natura 2000 a été accueilli par de vives critiques de la part de maires français disant s'être sentis obligés par les préfets de classer le territoire de leur commune pour entrer en conformité. Le projet a pour ambition de promouvoir la considération du contexte local, pour répondre aux vœux des élus et population local d’une plus grande écoute de leurs spécificités.

En matière de transport, la compétence locale est promue, puisque l’Etat aura la possibilité de transférer la maîtrise d’ouvrage d’une opération d’aménagement du réseau routier national. L’Etat pourra aussi transmettre des petites lignes ferroviaires et, dans ce cadre, mettre à disposition des salariés de SNCF Réseau et SNCF Gares & Connexions. De plus les Régions pourront obtenir la pleine propriété d'une ligne. Cette réforme est une demande de longue date des collectivités locales.

Par ailleurs, plusieurs mesures tendent à simplifier l’urbanisme local. Il faut ainsi citer la mise en place d’une consultation des collectivités locales transfrontalières pour établir les schémas régionaux de santé, notamment concernant les documents d’aménagement et d’urbanisme. Pour gérer des services publics communs comme un tramway ou un hôpital, les collectivités françaises et étrangères pourront créer une société publique locale. Il est à noter également que le projet accélère la récupération par les collectivités des biens abandonnés situés en centre-ville pour faciliter leur réhabilitation.

Le projet de loi vise aussi comme objectif de pérenniser et adapter les principes de l’article 55 de la loi SRU, qui fixent aux communes des objectifs de production de logements sociaux. Il est également prévu que les intercommunalités soient à même de fixer des objectifs en matière de mixité sociale à travers les attributions de logements sociaux. Surtout, les intercommunalités auraient la possibilité de fixer un objectif d’accès au logement social pour les « travailleurs essentiels » à la vie locale.

Enfin, le projet de loi se livre à un toilettage de la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 dite « ELAN », ayant pour ambition de faciliter la construction de nouveaux logements et de protéger les plus fragiles. Le projet de loi, en son article 23, vise à modifier le dispositif expérimental d'encadrement, initialement prévue pour 5 ans. Il sera porté à une durée de 8 ans. Le projet donne compétence à la commission départementale de conciliation (CDC) pour l'examen des litiges relatifs à l'action en diminution du loyer. Le texte prévoit par ailleurs qu'en cas de colocation du logement, au sens de l’article 8-1 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989, le montant de la somme des loyers perçus de l'ensemble des colocataires ne pourrait être supérieur au montant du loyer applicable au logement, au titre du dispositif Élan.

L'article 24 du projet de loi accorde un délai supplémentaire de 3 ans pour mettre en conformité les règlements de copropriété, prévue par la Loi Élan pour intégrer les parties communes spéciales, les parties communes à jouissance privative, et les lots transitoires. Ce délai serait donc porté à six ans. La conformité devra intervenir d’ici le 22 novembre 2024 au plus tard, et non plus d'ici le 22 novembre 2021.

Le projet de loi veut aussi donner aux département un rôle moteur en matière d’habitat inclusif, pour répondre aux attentes de la population, notamment en matière d’habitat inclusif. L'habitat inclusif est une solution de logement pour les personnes âgées et les personnes handicapées. Cette forme d'habitat constitue une alternative à la vie à domicile et à la vie en établissement. Les habitants y vivent dans des espaces privatifs, tout en partageant des espaces communs et un projet de vie sociale.

Pour permettre aux collectivités de remplir ces nouvelles missions, le Gouvernement prévoit de permettre aux collectivités de bénéficier d’un soutien du CEREMA en matière d’ingénierie technique. Les missions du CEREMA concernent l'ensemble des thématiques de l'aménagement et du développement durable (urbanisme, environnement, infrastructures de transport, gestion des risques…). Le CEREMA a pour mission d’apporter un appui scientifique et technique renforcé dans les domaines de l’aménagement, de l’habitat, de la ville et des bâtiments durables, des transports et de leurs infrastructures, de la mobilité.

Le projet de loi sera examiné, en première lecture, par le Sénat en juillet 2021.

Louis René Penneau, Avocat associé chez Oratio Avocats