Modification du tarif d’achat dans le photovoltaïque : quelles conséquences ?

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Tribune de Gilles Le Chatelier, Avocat associé, Président d’Adaltys Avocats.

L’article 225 de la loi n°2020-1721 du 29 décembre 2020 portant loi de finances pour 2021 introduit un bouleversement considérable dans les conditions économiques d’exploitation de certaines installations de production d’énergie photovoltaïque. En effet, il autorise le gouvernement à réduire le tarif d’achat de l’électricité produite par les installations d’une puissance crête de plus de 250 kilowatts, pour les contrats conclus en application des arrêtés du 10 juillet 2006, du 12 janvier 2010 et du 31 août 2010. Cette réduction interviendra à un niveau et une date fixée par une arrêté conjoint des ministres en charge de l’énergie et du budget.

L’inspiration de cette mesure est très clairement de caractère budgétaire comme le montrent les débats ayant précédé l’adoption de cette disposition. Il s’agit pour l’Etat de faire des économies sur ce dispositif, au titre de la compensation due au titre des charges du service public de l’énergie, en s’appuyant sur le fait que les coûts de production de l’énergie photovoltaïque ont connu une baisse significative depuis quelques années. Une telle motivation – et la précipitation dans laquelle cette mesure a été prise – traduisent certainement le souhait de Bercy de faire un certain nombre d’économies, alors que la dette publique a connu en 2020 une hausse sans précédent du fait de l’épidémie de COVID 19.

Bien évidemment, dès lors que cette mesure remettait en cause les conditions économiques ayant prévalu lors de la conclusion des contrats d’achat d’électricité et en affectait nécessairement la rentabilité, elle posait des questions sérieuses de constitutionnalité ayant justifié le recours de parlementaires à son encontre.

Par sa décision n°2020-813 DC du 28 décembre 2020, le Conseil constitutionnel a validé l’ensemble de ce dispositif.  Tout en commençant par admettre que la loi portait atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues, le Conseil a cependant relevé qu’il existait un motif d’intérêt général suffisant permettant de justifier une telle atteinte.

Ce motif est tiré du fait que, ce faisant, « le législateur a entendu remédier à la situation de déséquilibre contractuel entre les producteurs et les distributeurs d’électricité et ainsi mettre un terme aux effets d’aubaine dont bénéficiaient certains producteurs, au détriment du bon usage des deniers publics et des intérêts financiers de l’Etat ». L’intérêt du budget de l’Etat peut effectivement constituer, au terme de sa jurisprudence, un tel motif (CC décision n°2006-545 du 28 décembre 2006).

Toutefois, le Conseil ne valide à mon sens la loi que parce qu’elle encadre – peut-être de manière insuffisamment précise d’ailleurs – les conditions dans lesquelles cette réduction tarifaire va intervenir. Ainsi, le Conseil indique que cette opération doit préserver en tout état de cause « la rentabilité des installations ».

Comme l’article 225 le prévoit lui- même, la réduction du prix d’achat doit permettre une « rémunération raisonnable » des capitaux immobilisés compte tenu des risques inhérents à leur exploitation. De même, la réduction du tarif doit tenir compte d’un certain nombre de critères :  l’arrêté tarifaire au titre duquel le contrat est conclu, les caractéristiques techniques de l’installation, sa localisation, sa date de mise en service et ses conditions de fonctionnement. De même, si l’application de ce régime général n’est pas de nature à préserver les intérêts des opérateurs, un « dispositif de sauvegarde » peut être mis en œuvre sur demande motivée de l’opérateur « au cas par cas » et à l’initiative de la CRE.

De même, le Conseil a écarté le grief de l’atteinte au principe d’égalité en estimant que la discrimination ainsi instituée, selon que la puissance de l’installation dépasse ou non 250 kilowatts crête, correspondait à une différence de situation au regard de la « rentabilité significativement supérieure » qu’ont pu obtenir les exploitants des installations dépassant ce seuil, raisonnement que l’on se contentera de qualifier ici de quelque peu lapidaire…

La validation ainsi opérée par le Conseil constitutionnel est cependant loin de clore définitivement tout débat juridique sur cette décision du Gouvernement.

En effet, la mise en application de l’article 225 nécessite l’intervention d’un décret en Conseil d’Etat qui déterminera le cadre dans lequel la réduction des tarifs d’achat se déroulera, puis celle de l’arrêté interministériel décidant d’une diminution des tarifs avec une forme de « barème » pour prendre en compte l’ensemble des critères rappelés par le juge constitutionnel dans sa décision. Ce n’est que dans la mesure où la rentabilité des installations est préservée que le nouveau dispositif sera légal. Si tel n’était pas le cas, l’atteinte ainsi portée aux conventions légalement conclues deviendrait excessive et serait susceptible d’être censurée. Ce n’est également qu’une fois que ce nouveau cadre sera défini que les contrats d’obligation d’achat seront alors adaptés selon une procédure qui reste à déterminer.

Les questions que les textes règlementaires d’application de l’article 225 ont à régler sont à l’évidence d’une redoutable complexité. En particulier, la traduction concrète de la notion de « rémunération raisonnable des capitaux immobilisés compte tenu des risques inhérents à leur exploitation » constitue un exercice difficile compte tenu du nécessaire travail de définition de chacun de ces termes, ainsi que de la diversité des situations devant être pris en considération. A ce titre, nous comprenons des dispositions de l’article 225 que le « mécanisme de sauvegarde » ici mis en place doit demeurer exceptionnel et son utilisation réservée à des situations particulières, sauf à ce que l’exception devienne la règle.

Dans la période qui s’ouvre, les acteurs doivent ainsi être particulièrement attentifs au processus d’élaboration de ces textes et aux choix qui seront faits alors par le Gouvernement. Ces débats seront déterminants sur le contenu du dispositif arrêté. A cet égard, la sécurisation juridique de ce dernier ne sera pas la tâche la plus simple à accomplir pour le gouvernement.

Gilles Le Chatelier, Avocat associé, Président d’Adaltys Avocats