Bilan de la procédure d’arbitrage accélérée de la CCI : trois ans déjà !

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Axelle Zenati, avocate associée chez GGV Avocats, fait le bilan de la procédure d'arbitrage accélérée de la CCI. Celle-ci est entrée en vigueur il y a trois ans, le 1er mars 2017.

En 2017, la Cour Internationale d’Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale de Paris (ci-après « CCI ») a réformé son Règlement d’arbitrage (« Règlement CCI »), pour instituer une procédure d’arbitrage accélérée. L’objectif était de rendre la justice arbitrale de la CCI plus accessible aux usagers du droit, qui la considéraient comme coûteuse et inadaptée pour les litiges d’un faible montant.

C’est ainsi que la procédure accélérée est entrée en vigueur le 1er mars 2017. Avant de dresser un bilan des trois années écoulées, nous allons tout d’abord rappeler les conditions de mise en œuvre de la procédure accélérée, ainsi que les règles essentielles qu’elle prévoit.

  1. Les conditions de mise en œuvre de la procédure accélérée 

Le Règlement CCI de 2017 prévoit trois conditions pour que la procédure accélérée puisse être mise en œuvre :

  1. la convention d’arbitrage doit avoir été conclue avant le 1er mars 2017,
  2. elle ne doit pas exclure expressément la procédure accélérée,
  3. la valeur du litige doit être inférieure à 2.000.000 USD.

La convention d’arbitrage doit avoir été conclue avant le 1er mars 2017

Seules les clauses compromissoires insérées dans des contrats conclus postérieurement au 1er mars 2017 peuvent entraîner l’application de la procédure accélérée. A l’inverse, les contrats conclus avant le 1er mars 2017 prévoyant une clause d’arbitrage soumise au Règlement CCI ne peuvent se voir appliquer la procédure accélérée, sauf dans deux cas :

  • si les parties ont modifié la clause d’arbitrage après le 1er mars 2017,
  • ou si les parties conviennent de soumettre leur litige au Règlement CCI de 2017.

La procédure accélérée ne doit pas être expressément exclue

Les parties ont la faculté d’exclure la procédure accélérée dans leur convention d’arbitrage, alors même que les conditions de mise en œuvre de cette dernière sont bien remplies. Dans ce cas, le tribunal arbitral qui sera désigné appliquera la procédure « classique » prévue par le Règlement CCI.

La valeur en litige doit être inférieure à 2.000.000 USD

Si les deux précédentes conditions sont réunies et que le litige ne dépasse pas un montant de 2.000.000 USD, la procédure accélérée est applicable automatiquement au litige qui sera soumis à la CCI.

Concrètement, cela signifie que la CCI va appliquer d’office la procédure accélérée, même si les parties ne le mentionnent pas dans leur convention d’arbitrage ou lors de la saisine de la CCI.

Dans tous les cas, les parties peuvent contractuellement décider de recourir à la procédure accélérée, même lorsque le montant de leur litige dépasse le seuil de 2.000.000 USD. Elles peuvent également fixer un autre seuil pour l’application de cette procédure.

 

  1. Les règles essentielles de la procédure accélérée

La CCI prévoit pour la procédure accélérée à l’Annexe VI de son Règlement une série de règles procédurales, qui dérogent à celles de la procédure « classique » à tous les stades de la procédure, de la constitution du tribunal arbitral au prononcé de la sentence arbitrale.

Un arbitre unique

Le litige est tranché par un seul arbitre, et ce même si la clause d’arbitrage prévoit la nomination de trois arbitres. L’arbitre unique est nommé d’un commun accord par les parties, dans un court délai imparti par la CCI ; à défaut, la CCI procède à sa nomination.

L’intérêt de l’arbitre unique est notamment de limiter les honoraires que devront supporter les parties : non seulement les parties n’auront à payer que les honoraires d’un seul arbitre, mais le barème des honoraires applicables est lui aussi réduit d’environ 20 %.

Une procédure simplifiée

Aucun acte de mission n’est établi par l’arbitre et les parties.

L’arbitre doit tenir avec les parties une conférence de gestion de la procédure au plus tard dans les 15 jours à compter de la date où le dossier lui a été remis.

Ensuite, les parties peuvent être limitées dans le nombre de mémoires qu’elles produisent et dans la longueur des écritures. Elles peuvent prévoir en outre qu’il n’y aura pas d’audiences pour les plaidoiries ou l’audition des témoins ou experts.

Une sentence en six mois

La sentence arbitrale doit être rendue dans un délai de 6 mois à compter de la conférence sur la gestion de la procédure.

La Cour peut toutefois proroger ce délai.

  1. Premier bilan de la procédure accélérée

Selon les dernières statistiques publiées par le Secrétariat de la CCI, au 1er avril 2019, 70 arbitrages ont été ou sont conduits en application de la procédure accélérée. Parmi elles, 19 procédures ont été déclenchées sur le fondement d’une clause compromissoire conclue postérieurement au 1er mars 2017. En outre, la CCI a reçu 96 demandes de parties visant à mettre en œuvre la procédure accélérée, dont 22 ont été formulées d’un commun accord des parties.

A ce jour, 24 sentences finales ont été rendues à l’issue d’une procédure accélérée, dont 21 sentences ont été rendues dans le délai de six mois.

Ces statistiques sont donc prometteuses, car elles révèlent a priori une certaine rapidité et un attrait des plaideurs. Il est toutefois peut-être un peu tôt pour affirmer que la procédure accélérée a parfaitement satisfait à ce double objectif.

La crise sanitaire du COVID-19 que nous traversons pourrait créer un regain d’intérêt pour le recours à la procédure accélérée.

Les juridictions étatiques étant fermées et les procédures commerciales gelées, les parties ont tout intérêt à recourir à l’arbitrage – et plus particulièrement à la procédure accélérée - pour régler leurs litiges commerciaux de manière rapide et efficace : la CCI continue de fonctionner de manière dématérialisée ; les échanges avec les arbitres peuvent avoir lieu par voie électronique ou par visioconférence. De cette façon, les entreprises pourront profiter du confinement pour solutionner leurs contentieux et se consacrer pleinement, au sortir de la crise du COVID-19 à leur redéploiement commercial.

Axelle Zenati, avocate associée chez GGV Avocats