« Le marché du droit est un marché naissant »

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A l'occasion d'une journée sur la transformation numérique dans le monde du droit organisée par le réseau Eurojuris à Station F, Bruno Deffains, professeur en Sciences économiques à Paris 2, a évoqué les mutations en cours et présenté les tendances à venir.

La journée Eurojuris "Transition numérique, Révolution juridique ?" qui s'est déroulée à Station F le 23 novembre 2018 a permis de revenir sur les changements qui interviennent dans le monde du droit depuis quelques années avec l'émergence des legaltech et l'apport de technologies comme l'intelligence artificielle qui investit tous les secteurs.

Un marché du type pionniers-suiveurs

Pour le professeur de Sciences économiques à Paris 2, Bruno Deffains, les professionnels du droit sont confrontés à un choc technologique, réglementaire et sociétal. Ce qui est remarquable dans ce phénomène, selon une étude de BCG, c'est que la moitié des entreprises n'ont pas intégré encore l'intelligence artificielle. Habituellement, le retard entre les actifs et les passifs a tendance à se combler.
Or, l’écart se creuse parce que les pionniers investissent de plus en plus dans les technologies alors que les passifs n’ont toujours pas démarré.
En France, seulement 44 % des entreprises ont intégré ou prévoient d'intégrer l'IA prochainement contre 53 % dans le reste du monde.   
En effet, les français ont moins confiance que d’autres en l’IA : 65 % de scepticisme contre 24 % pour la Chine. 

Si on regarde le marché du droit, il représente 437 milliards de dollars aux Etats-Unis, 50.000 Law firms et 10.000 départements juridiques.
Selon CATALYST Investors, le "legal software" c'est à dire la legaltech, représente actuellement 3 milliards de dollars sur un potentiel de 16 milliards soit un taux de pénétration de 20 % environ. Une minorité des acteurs utilisent l'IA (11% des acteurs aux Etats-Unis alors qu'il existe plus de 400 legaltech).
Et quand il y a de l'IA, c'est de l'IA dite faible qui se traduit par de la recherche juridique en langage naturel.

Un marché naissant avec une demande positive et croissante

En France, la filière juridique représente 31, 1 milliards d'euros et 431.820 emplois. On dénombre 350 legaltech. C'est un marché naissant avec une demande positive et croissante. « La transformation numérique est un défi fantastique pour la communauté juridique, pour l'écosystème du droit dans la mesure où elle pose un certain nombre de questions sur l'organisation des métiers du droit, leur condition de pratique, les tarifications qu'ils vont proposer sur ce marché du droit. Il y a dans cette transformation un potentiel intéressant dans la mesure où l'on va pouvoir envisager de nouvelles pratiques, une nouvelle gestion plus systématique notamment de l'organisation des professionnels du droit, de la gestion des contrats, des bases documentaires, de la facturation. Pour autant, l'intelligence artificielle soulève des interrogations notamment dans le rapport entre la technologie et l'exploitation des données. On est au début de l'aventure. C'est un marché naissant qui se structure. A l'évidence, l'ensemble de la communauté des juristes a intérêt à relever ce défi », explique Bruno Deffains.

Arnaud Dumourier (@adumourier)