10 tendances dans le monde du droit en 2018

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L’année 2018 sera fortement marquée par le numérique. Protection des données, compliance et droit du travail seront également des sujets de préoccupation pour les professionnels du droit.

La transformation numérique

Le numérique reste le sujet de préoccupation majeur des professionnels du droit. La transformation numérique est l’un des cinq grands chantiers de la Justice. L’ambition est de rendre la justice plus accessible et plus rapide, a expliqué Nicole Belloubet lors du VendômeTech. Cet « enjeu majeur pour tous les acteurs du domaine du droit » est « lié à l'ouverture des données jurisprudentielles ». Il s’agit aussi d’assurer l'attractivité du droit, en soutenant les Legaltech. Pour relever le défi du numérique, le rapport de l’IHEJ recommande notamment aux avocats de « se l’approprier pour construire une nouvelle offre, plus diversifiée et plus professionnelle (…) et donc revoir de fond en comble leur stratégie de développement, la relation avec le client, leur organisation interne et leur modèle économique ». Mais, cette remise en question vaut pour toutes les professions du droit.

Protection des données

Le règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD en français, GDPR en anglais) qui entrera en vigueur le 25 mai 2018 impose aux entreprises de mettre en place une gouvernance des données, sécuriser leurs systèmes et garantir de nouveaux droits aux individus.
Rubin Sfadj, avocat et co-auteur du Guide « Réussir votre conformité GDPR » a expliqué la nécessité pour les entreprises d'instaurer une gouvernance des données  dans nos colonnes : « nous entrons dans une période où l’on commence à parler de gouvernance des données non pas de façon anecdotique, mais en tant que véritable enjeu du GDPR. Les grands dirigeants sont désormais pleinement réceptifs sur ce sujet. Au-delà même du GDPR, il y a des démarches qui sont engagées par les entreprises pour mettre en place des outils de gouvernance et assainir la gestion des données. Les entreprises, tous secteurs d’activité et toutes tailles confondus, comprennent que la mise en conformité GDPR n’est pas une fin en soi, mais plutôt une opportunité à saisir. » 

Droit du travail

La réforme du droit du travail est l’une des priorités du gouvernement. 26 décrets d’application des ordonnances relatives au renforcement du dialogue social ont été publiés en 2017. Les 117 mesures de la réforme sont applicables depuis le 1er janvier 2018.
Parmi ces mesures : plafonnement des indemnités prud’homales, modification des règles relatives aux licenciements économiques, référendum d’entreprise, rupture conventionnelle collective, encouragement du télétravail…

Cybersécurité

La sécurité informatique est perçue comme une menace grandissante par les entreprises. Telle est l’une des conclusions de la 13ème édition de l’étude du cabinet Norton Rose Fulbright consacrée aux évolutions et aux tendances du contentieux.
« Pour les grandes entreprises qui traitent d'énormes quantités de données privées et sensibles, la protection est un impératif absolu. Il suffit d’une seule faille pour exposer une entreprise à des recours collectifs et à une atteinte majeure à sa réputation. Ces enjeux sont cruciaux et ce rapport analyse les mesures prises par les entreprises pour contrer ce risque croissant », indique Christian Dargham, associé en charge de la pratique Contentieux et Arbitrage de Norton Rose Fulbright à Paris. 

Compliance

Depuis le 1er janvier 2018, toutes les entreprises de plus de 50 salariés devront mettre en place un système d’alerte, garantissant la confidentialité du lanceur d’alerte, de la personne éventuellement visée et des informations objets de l’alerte. « Ces obligations de la loi "Sapin 2" doivent être vues comme autant d’opportunités de mieux maîtriser les risques et la réputation de l’entreprise et de ses dirigeants », affirme Caroline Joly, avocate fondatrice de Baro Alto, dans son guide « Sapin 2 et devoir de vigilance : guide des nouvelles obligations de l’entreprise ». « Les mécanismes de la loi "Sapin 2" renforcent la prévention interne face aux risques d’une mise en cause pénale, qui peut personnellement affecter le chef d’entreprise. »

Développement de la LegalTech

Le marché de la LegalTech a continué son expansion en 2017. Selon l'étude sur les levées de fonds de la French Tech, réalisée par SNCF Développement et C-Radar, la LegalTech est le secteur qui progresse le plus vite : 52 millions d'euros levés en 2017 contre 4,2 millions en 2014.
Par ailleurs, ce secteur « devrait accélérer encore à horizon 2018, porté par deux ruptures qui se combinent entre elles :
- la blockchain utilisée par la notarisation des documents qui booste la catégorie de la SecureTech ;
- l’application de la GDPR en 2018 qui va accélérer l’émergence de la PrivacyTech ».

Intelligence artificielle (IA), blockchain et legal bots

En ce qui concerne la blockchain, de nouveaux services sont créés. Ainsi, BlockchainyourIp et un huissier parisien ont conclu un partenariat afin de permettre aux entreprises de constituer très facilement des preuves de leurs créations et de leurs innovations pour les litiges devant les tribunaux français. De la même manière, le nouveau service « copyright » de Legalstart.fr permet d’identifier le créateur et de constituer une preuve de la date de création. 

Les legal bots sont également amenés à se développer. Lors du Campus AFJE de Novembre 2017, Bruno Massot, Directeur juridique d’IBM a cité l’exemple d’Orange qui travaille sur la réalisation d’un chatbot qui pourrait proposer des informations contextuelles sur la situation qui amène la problématique juridique et qui pourrait ainsi faciliter le travail du juriste qui serait alors concentré exclusivement sur la question juridique.
Des solutions d’intelligence artificielle permettant l’analyse des flux des mails, le tri des mails et préparant une réponse au client pourraient aussi voir le jour en 2018.

Rapprochement des cabinets d’avocats

Face à l’intensification de la concurrence, la solution du rapprochement est de plus en plus privilégiée par les cabinets d’avocats. En 2017, le cabinet d’avocats DWF s’est rapproché d’Heenan Paris, UGGC Avocats s’est uni à l’équipe Gordon-Krief, BCW & Associés et Lerins Jobbard Chemla Avocats ont fusionné, SLVF et Viguié Schmidt ont créé Viguié Schmidt & Associés. Ce mouvement devrait se poursuivre en 2018.

Justice prédictive

La justice prédictive est pleine de promesses. Mais, pour le moment, elle a montré ses limites notamment à l’occasion de l’expérimentation du logiciel Predictice par les cours d’appel de Rennes et Douai. Ainsi, le 9 octobre 2017, le ministère de la Justice et la première présidence de la Cour d'appel de Rennes ont indiqué à propos du logiciel Predictice qu’il « ne présentait pas en l’état de plus-value pour les magistrats, qui disposent déjà d’outils de grande qualité d’analyse de la jurisprudence de la Cour de cassation et des cours d’appel ». Cependant, « une nouvelle phase d’expérimentation, sur la base du volontariat, avec d’autres cours d’appel » est envisagée par le ministère de la Justice. Dans le même temps, les cabinets d’avocats ont conclu des partenariats avec les deux principales solutions de justice prédictive :
- Dentons, Châtain & Associés, Bruzzo Dubucq, et Taylor Wessing avec Predictice ;
- Flichy Grangé Avocats avec Case Law Analytics.

Création d'une communauté de juristes

Sous l’impulsion de Stéphanie Fougou, Présidente de l'AFJE, à l’issue du premier Grenelle du Droit qui s’est déroulé le 16 novembre 2017, est né le mouvement TousDroitsDevant qui a pour ambition de rapprocher les professions du droit afin d'assurer une meilleure compétitivité du droit français. C’est aussi l’une des recommandations du rapport de l’IHEJ pour éviter l’éclatement de la profession d’avocat. « Créer une grande profession du droit, en réunissant les professions de juriste d’entreprise et d’avocat semble néanmoins de plus en plus évident. Elle permettrait de fluidifier les relations entre les avocats et les juristes, de rapprocher l’activité de conseil de l’avocat de celle du juriste d’entreprise qui sont deux aspects du même métier opéré dans un cadre différent mais au bénéfice d’une même personne, l’entreprise. », écrivent les auteurs du rapport. Le deuxième Grenelle du droit doit se tenir le 16 novembre 2018.

Dans une autre perspective, Open Law réunit les professionnels du droit autour du numérique afin d’explorer les problématiques émergentes telles que la Blockchain et les Smart Contrat, le Legal Design ou encore l’Open Gov. Cela a notamment donné naissance à la Charte éthique pour un marché du droit en ligne et ses acteurs dont la deuxième version a été présentée lors du Village de la LegaTech 2017. Open Law poursuit ses travaux en 2018 sur le legal design, l’intelligence artificielle et la formation du juriste de demain. De nouveaux projets vont aussi être lancés cette année.

Arnaud Dumourier (@adumourier)