Conclusion de la première Convention judiciaire d’intérêt public

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Commentaire par Ophélia Claude, Avocat, Hogan Lovells, de la première convention judiciaire d'intérêt public conclue entre le parquet national financier et la banque HSBC.

Dans un communiqué de presse publié sur sa page Twitter, le Parquet National Financier a fait état de la validation par le tribunal de grande instance de Paris d'une convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) conclue avec la banque HSBC Private Bank Suisse SA. Il s'agit de la première CJIP en France depuis l'entrée en vigueur de la Loi Sapin 2 qui avait introduit ce dispositif dans le code de procédure pénale le 9 décembre 2016.

On savait que les négociations avec la banque UBS, poursuivie pour des faits de démarchage bancaire et financier illicite et blanchiment aggravé de fraude fiscale, avaient échouées faute d'accord entre le parquet national financier et la banque sur le montant de l'amende. Le résultat des négociations avec la banque HSBC, poursuivie pour les mêmes qualifications pénales que la banque UBS, était donc très attendu.

Outre son caractère inédit, cette première CJIP nous offre d'ores-et- déjà un certain nombre d'enseignements utiles.

Une amende fixée à 300 millions d'euros

L'article 41-1- 2 du code de procédure pénale dispose que le montant de l'amende dans le cadre d'un CJIP est "fixé de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés dans la limité de 30% du chiffre d'affaires moyen annuel calculé sur les trois dernier chiffres d'affaires annuels connus à la date du constat de ces manquements".

Comment le président du tribunal de grande instance de Paris s'est-il assuré qu'une amende de 300 millions d'euros satisfaisait la condition de proportionnalité ?

Si le parquet national financier s'est félicité que cette amende représente "la plus importante amende pénale prononcée par la Justice en France", le communiqué de presse n'apporte toutefois aucune indication sur le référentiel utilisé pour parvenir à ce montant.

En l'occurrence, d'après l'administration fiscale, le montant de la fraude s'élevait à près de 1,6 milliard d'euros. Si ce montant a été utilisé comme référentiel, le montant de l'amende représenterait environ 18,7% de la fraude.

En vertu de l'article 324-3 du code pénal, la banque HSBC encourait, s'agissant du chef de blanchiment, une amende pouvant s'élever jusqu'à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment, soit un maximum de 800 millions d'euros. S'il s'agit du référentiel utilisé, le montant de l'amende qui a emporté l'accord du parquet national financier et de la banque HSBC représenterait 37,5% de l'amende maximum encourue pour le délit de blanchiment.

Le champ d'application de la CJIP : blanchiment aggravé de fraude fiscale et le démarchage illicite

La possibilité de conclure une CJIP n'est offerte que pour un nombre limité de délits énumérés à l'article 41-1- 2 du code de procédure pénale. Si le délit de blanchiment de fraude fiscale figurait dans cette liste, tel n'était pas le cas du délit de démarchage bancaire et financier illicite.

Le parquet national financier n'a pas, pour autant, renoncé à poursuivre ce délit puisque le communiqué de presse indique que par la signature de la CJIP, la banque "reconnaît l'existence des faits qui lui sont reprochés et accepte leur qualification légale". Cela semble suggérer que le délit de démarchage illicite a été incorporé dans la CJIP en tant qu'"infraction connexe" ainsi que le prévoit l'article 41-1- 2 du code de procédure pénale.

Les concessions du parquet national financier

Le parquet national financier indique, à la fin du communiqué, que la CJIP acte la fin des poursuites à l'encontre de la maison mère de la banque, HSBC Holdings PLC, laquelle a bénéficié d'un non-lieu le 13 novembre 2017. Avec cette concession, le parquet national financier fait montre de pragmatisme et envoi un signal positif aux entreprises qui envisageraient d'entamer des discutions en vue d'une CJIP.

Les concessions du parquet national financier trouvent toutefois leur limite dans le fait que les deux anciens dirigeants de la banque HSBC Private Bank Suisse SA restent aujourd'hui poursuivis dans le cadre de cette même affaire.

Ophélia Claude, Avocat, Hogan Lovells