Les travaux d'Hercule du directeur juridique

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Antoine Henry de Frahan, Co-fondateur de FrahanBlondé

Antoine Henry de Frahan, Co-fondateur de FrahanBlondé, livre au Monde du Droit un éclairage sur la fonction de directeur juridique. Les directeurs juridiques font face aujourd'hui à six défis importants pour la fonction juridique dans l'entreprise. Même si la réussite de ces travaux n'assure pas, comme à Hercule dans le mythe antique, l'immortalité à son auteur, elle garantit une fonction juridique forte, efficace, influente et dynamique. Dans ce premier article, nous présentons ces six enjeux. Dans les articles qui suivront, nous approfondirons chacun d'eux.

Positionner le département comme un partenaire stratégique. De nombreux juristes d'entreprise souffrent d'une perception peu gratifiante de leur fonction. Le juriste est souvent une « fonction support » qui intervient en fin de parcours et qui agit dans l'ombre. Un enjeu capital pour le directeur juridique est d'amener l'entreprise à considérer le département juridique comme un véritable partenaire stratégique, c'est-à-dire comme une partie prenante dans la prise des décisions importantes et dans leur mise en oeuvre. Il s'agit de favoriser la prise de conscience que le droit n'est pas un détail d'exécution mais un paramètre omniprésent et fondamental, et qu'il est par conséquent dans l'intérêt de l'entreprise d'impliquer les juristes comme des partenaires plutôt que les traiter comme des exécutants.

Gérer l'humain. Le directeur juridique ne pourra pas établir le département juridique comme un partenaire stratégique si les membres de son équipe ne sont pas à la hauteur du défi. Le recrutement, la formation, le développement d'un plan de carrière et la motivation des personnes sont des tâches capitales du directeur juridique. Cette action dit être menée dans l'équipe et vis-à-vis de ses membres, mais aussi à l'extérieur de l'équipe pour la défendre et la promouvoir vis-à-vis du reste de l'entreprise.

Améliorer l'efficacité du département, et le faire savoir. Un groupe talentueux et motivé ne suffit pas à garantir le succès : l'organisation et le fonctionnement du département doivent être optimaux. Le directeur juridique avisé améliore en permanence l'efficacité de son département, en définissant les procédures de travail, en favorisant le partage des connaissances, en mettant en ligne des documents à la disposition des utilisateurs, en installant des outils informatiques adéquats et en formant les équipes pour les utiliser. Cette amélioration de l'efficacité a un triple intérêt : elle permet de réduire ou de stabiliser les coûts de fonctionnement du département ; elle arme le directeur juridique pour défendre le budget de son département auprès de la direction générale ou de la direction financière (à condition de disposer des indicateurs de performance adéquats); et surtout, elle contribue à façonner une expérience positive pour les clients internes et pour les juristes eux-mêmes.

Structurer le département. L'organisation des entreprises est complexe : découpée en métiers et en zones géographiques, elle constitue un puzzle matriciel incertain et jamais achevé. Il n'est pas facile, dans ces conditions, de trouver la structure idéale pour le département juridique : centralisation ou décentralisation ? Spécialisation par matière juridique, par entité opérationnelle ou par zone géographique ? Il appartient au directeur juridique d'intervenir avec force et clairvoyance dans ce débat.

Optimiser la collaboration avec les avocats.Les directeurs juridiques se plaignent souvent des avocats (trop chers, trop lents, trop longs, trop théoriques) mais ne peuvent pas s'en passer. Plutôt que de subir avec ressentiment une relation obligée et frustrante, le rôle du directeur juridique est d'imaginer lui-même un mode de collaboration qui lui convienne et de le mettre en place. Définir une véritable politique de relation avec les cabinets d'avocats, qui ne se limite pas au choix des cabinets mais qui s'étend aux modalités opérationnelles et financières de la collaboration, est devenu un enjeu primordial pour les départements juridiques.

Trouver sa place par rapport à la conformité. La conformité (compliance) fait désormais partie du quotidien de nombreux directeurs juridiques. Cette fonction est encore nouvelle et de nombreuses questions se posent, que le directeur juridique ne peut laisser sans réponse (Faut-il loger la conformité au sein du département juridique ? Quel périmètre donner à la conformité ? Comment articuler politique de conformité et gestion du risque juridique ? Etc.). Au-delà de la conformité, il se développe dans les entreprises une fonction normative interne qui passe par les codes de conduite, les « policies », les procédures internes, etc. Cette fonction normative, qui touche à la responsabilité sociétale de l'entreprise, à la gestion des ressources humaines, au cadre régulatoire des activités de l'entreprise, à la communication interne, à l'audit interne, et à la gestion du risque, est un enjeu « para-juridique » face auquel le directeur juridique ne peut pas rester un simple spectateur.

 

Antoine Henry de Frahan

Co-fondateur, FrahanBlondé