De nombreuses entreprises négligent les risques potentiels d’atteintes aux droits de l’homme

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droitshommeUne étude menée par l'Institut britannique de droit international et de droit comparé (BIICL) et le cabinet d'avocats d'affaires international Norton Rose Fulbright montre que de nombreuses entreprises négligent les risques potentiels d’atteintes aux droits de l’homme.

Les conclusions de l'étude réalisée par l'Institut britannique de droit international et de droit comparé (BIICL) et le cabinet d'avocats international Norton Rose Fulbright ont publié les conclusions de leur étude sur la question des droits de l'homme dans les entreprises en octobre.

Près de la moitié des entreprises interrogées n'ont jamais mis en place de processus de diligence raisonnable en matière de droits de l'homme

L’étude portant sur un panel de 152 grandes entreprises a montré que seulement 51 % d’entre elles avaient réalisé une évaluation spécifique englobant l’intégralité de leurs obligations dans ce domaine dans le cadre de leur processus de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme. Parmi ces sociétés, 77 % ont ainsi identifié des répercussions réelles ou potentielles du fait de leur activité sur les droits de l’homme et 72 % des répercussions négatives liées aux activités de leurs partenaires.

A l'opposé, 19 % seulement des sociétés n’ayant réalisé aucune évaluation spécifique en matière de droits de l’homme mais utilisant d'autres mécanismes ont identifié des répercussions potentielles ou négatives et 29 % seulement ont mis en lumière des répercussions négatives liées aux activités de leurs partenaires.

Dans les cas où les considérations en matière de droits de l'homme sont limitées aux processus existants (notamment dans les domaines de la santé et de la sécurité, de l'égalité ou du droit du travail), les entreprises ne parviennent pas à identifier d'autres répercussions sur les droits de l’homme et des répercussions graves risquent d'être négligées. Un processus de diligence raisonnable en matière de droits de l'homme dédié doit, en tout premier lieu, tenir compte de tous les droits de l’homme reconnus à travers le monde ainsi que des répercussions des activités de l’entreprise à tous les niveaux et dans toute la chaîne logistique.

Selon le Professeur Robert McCorquodale, directeur du BIICL, "la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme revêt une dimension juridique importante qui va au-delà de la simple notion traditionnelle de responsabilité sociale de l'entreprise et englobe les répercussions réelles sur les droits des tiers. Bien que des changements significatifs soient intervenus dans les législations nationales et européennes faisant ainsi des performances en matière de droits de l’homme un enjeu de plus en plus important pour les entreprises, notre rapport a révélé que la moitié des entreprises ne disposent pas de processus spécifique de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme et, en conséquence, ne font pas le nécessaire pour mettre en lumière les conséquences néfastes de leurs activités sur les droits de l'homme et celles de tiers tels que leurs fournisseurs, et ce en dépit des recommandations clairement énoncées dans les Principes directeurs de l'ONU sur les entreprises et les droits de l’homme qui constituent la norme internationale dans ce domaine."

Ce rapport s'inscrit dans un contexte où la question des droits de l'homme dans les entreprises est prégnante. 
En effet, le "Corporate Human Rights Benchmark" (CHRB) (analyse comparative du respect des droits de l’homme dans les entreprises) publiera prochainement un classement des performances des principales entreprises cotées du monde entier en matière de droits de l’homme. En outre, les sociétés ayant des activités en Grande-Bretagne sont sur le point de publier leurs premières déclarations annuelles sur les mesures prises pour éradiquer l'esclavage et le trafic d'êtres humains dans leurs activités et leurs chaînes logistiques en vertu de la Loi britannique sur l'esclavage moderne (Modern Slavery Act).

Christian Dargham, associé chez Norton Rose Fulbright à Paris et responsable du département Ethique des affaires et contentieux, explique : "Les législations et les poursuites contre les entreprises qui ne respectent pas - ou qui ne s’assurent pas que leurs sous-traitants respectent - les droits de l’homme sont de plus en plus nombreuses. D’ailleurs, une proposition de loi sur le devoir de vigilance des entreprises donneuses d'ordre est en cours de discussion en France. L'impact des activités des entreprises sur les droits de l’homme inclut les répercussions sur les chaînes d'approvisionnement. Les entreprises commencent à réaliser qu'elles peuvent être tenues responsables des activités de leurs partenaires commerciaux et de leurs fournisseurs. A moins qu'une entreprise ne mette en place un processus spécifique en matière de droits de l’homme, il est peu probable qu'elle puisse identifier les répercussions liées aux activités de ces tiers dont elle est susceptible d'être tenue responsable. Les entreprises doivent également être attentives à tout fossé existant entre leurs déclarations publiques concernant leur approche des droits de l’homme et la réalité du terrain car cela pourrait notamment être utilisé contre elles pour établir un manquement."

Arnaud Dumourier (@adumourier)


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