Médiation, négociation participative, conciliation judiciaire : confusion ou progrès ?

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Denis Beaulieu - Avocat - FidalDenis Beaulieu, Associé et membre du Directoire du cabinet Fidal revient sur la médiation notamment à la lumière du projet de transposition en droit français de la Directive du 21 Mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commercial.

L'avocat français avait quelques difficultés à se convaincre de l'intérêt que la médiation pouvait représenter pour son client. Sa perplexité va encore augmenter à l'examen des nouvelles dispositions concernant la négociation participative, le conciliateur de justice sans oublier le projet de transposition en droit français de la Directive du 21 Mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale.

Notre avocat avait l'habitude de rechercher, autant que possible, un accord transactionnel. Cette démarche peut maintenant être encadrée par la convention de procédure participative. Si la partie adverse l'accepte, la convention va fixer le délai pendant lequel une solution négociée sera recherchée, la prescription sera interrompue et tout recours au juge irrecevable. Interdite dans le domaine du droit du travail, la convention ne peut être mise en place si un juge est déjà saisi.

Notre avocat va donc devoir intégrer dans sa stratégie l’alternative suivante :

  • Conclure une convention de procédure participative et différer la saisine du juge.
  • Saisir le juge et néanmoins approcher le confrère pour explorer les voies d'un accord possible (comme précédemment).

Arrivé devant le juge, il reste encore à notre avocat la faculté de rechercher une solution négociée, avec l’accord de la partie adverse, puisque le décret du 1er octobre 2010 permet au juge de désigner un "conciliateur de justice". Le principal mérite de cette procédure, maintenant étendue aux tribunaux de commerce, est qu'elle est gratuite. Naturellement, il n'est pas interdit de penser que gratuité n’est pas nécessairement synonyme de qualité.

Mais que l'on se situe avant la saisine du juge, ou après, notre avocat aurait aussi pu penser à recourir à la médiation. Le législateur n’est d'ailleurs pas en reste non plus sur ce sujet puisque la transposition de la Directive du 20 mai 2008 est en cours. D'application limitée aux litiges transfrontaliers, son champ d'application pourrait concerner également les litiges nationaux comme le texte de la directive l’autorise. A dire vrai, l'intérêt de cette transposition réside essentiellement dans le fait d'encadrer juridiquement la médiation dite conventionnelle alors que la médiation judiciaire figurait dans le nouveau code de Procédure civile.

A cette occasion une initiative du Centre de Médiation et d'Arbitrage de Paris mérite d'être relevée car elle pourrait bien impacter la pratique de notre avocat : il s'agit de mettre en place un "questionnement" des parties permettant de s’assurer que celles-ci ont bien connaissance de la médiation et de leur position sur ce sujet dans le litige qui les concerne.
Le questionnaire est très simple mais sa production conditionnerait la poursuite de la procédure.


Jusqu’alors les choses étaient assez claires dans la tête de notre professionnel : la recherche d’une solution transactionnelle entre avocats restait possible à toute époque. La médiation, d'une autre nature, suspendait le cours de la procédure et la prescription. Pourquoi, se dit-il, avoir ainsi rendu les choses complexes ? Son devoir de conseil lui impose d'expliquer à son client les stratégies possibles. Comment faire alors pour décider ce qui paraît préférable ? Son embarras est grand et il peine à comprendre la logique qui a présidé à une telle construction.

Pour cela, il faut admettre la diversité des approches mais constater qu’elles n’entrent visiblement pas dans une perspective globale unique et cohérente.

a)    Il faut désencombrer les tribunaux et améliorer le fonctionnement de la justice.

b)    Dans la mission du juge, il y a la conciliation. Permettre au juge de déléguer sa mission de conciliation, sachant que la délégation n’exclut pas le contrôle, c’est désengorger les prétoires à peu de frais puisque la conciliation est gratuite. Il est même possible d'espérer améliorer la satisfaction des justiciables car il est démontré que  la médiation donne de bons résultats et que la conciliation y ressemble beaucoup.

c)    Encourager les avocats à rechercher des solutions négociées en encadrant leur démarche par la négociation participative avant  toute saisine du juge procure par effet mécanique un premier allégement des tribunaux.

Conciliateur de justice et négociation participative permettent d’attaquer le problème sur les deux fronts.

d)    La question de la médiation est d'une autre nature puisqu’elle n’est, en réalité, qu’une négociation assistée par un tiers et dont les effets sur le cours de la procédure se révèlent être similaires à la négociation participative. De ce point de vue, il n’était pas inintéressant de compléter le dispositif légal qui concernait  la médiation  judiciaire et non  la médiation conventionnelle.

Il appartiendra donc à notre avocat de combiner l’ensemble de ces outils, de façon à construire un arbre de décision lui permettant d’arrêter sa stratégie :

  • Veut-il résolument privilégier la recherche d’une solution négociée, quitte à retarder la saisine du juge ?
  • Veut-il se donner les moyens de rechercher une solution négociée, sans retarder la saisine du juge ?
  • Veut-il privilégier la résolution judicaire, considérant qu’une solution négociée est très peu probable ?

A partir de là, il lui restera  à expliquer à son client la voie retenue.