Condamnation d’un avocat pour blanchiment de fraude fiscale

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Le blanchiment qui vise à faciliter la justification mensongère de l’origine de biens ou de revenus constitue une infraction instantanée, mais occulte par nature. Son délai de prescription court à compter du jour où elle est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique.

M. A., avocat et conseil juridique, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir apporté son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un délit de fraude fiscale, en participant activement à la dissimulation des avoirs de M. X. faisant également l’objet de poursuites.

Le tribunal correctionnel de Paris a condamné M. A. à un an d’emprisonnement avec sursis et 375.000 € d’amende.

La cour d’appel a rejeté l’exception de prescription de l’action publique soulevée par le prévenu.
Elle a énoncé que le blanchiment reproché à M. A., consistant en la dissimulation du produit de la fraude fiscale imputée à M. X., non plus en Suisse, mais à Singapour, constitue un délit tout à la fois continu et occulte ayant débuté en novembre 2009 et non en 1992 ou en 2000.
Elle a relevé que le prévenu n’est pas fondé à exciper de la notoriété, qui n’était pas plus avérée au cours de l’année 2009 qu’elle ne l’était en 2000, de la détention par M. X. d’un compte en Suisse, pour prétendre que les faits fondant les poursuites engagées à son encontre étaient prescrits à la date du premier acte interruptif de prescription, qu’il situe lui-même au 8 janvier 2013, s’agissant de la décision du procureur de la République d’ouvrir une enquête préliminaire.
Les juges du fond ont ajouté que ces faits n’ont été portés à la connaissance du procureur de la République que par la note Tracfin du 25 avril 2013, à la suite du rapatriement des fonds intervenu courant 2013 depuis Singapour à l’initiative de M. X., cette circonstance ayant seule rendu possible l’exercice de l’action publique à l’égard de M. A.
La cour d’appel en a conclu que la prescription a commencé à courir à compter de cette date. 
 
Dans un arrêt du 11 septembre 2019, la Cour de cassation rejette le pourvoi de M. A.
Bien que la cour d’appel a qualifié le blanchiment d’infraction continue, l’arrêt n’encourt pas pour autant la censure.

La Haute juridiction judiciaire rappelle qu’aux termes de l’article 324-1 du code pénal, le blanchiment est défini comme le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect ou le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit. Il s’en déduit que ce délit, qui s’exécute en un trait de temps, constitue une infraction instantanée.
Lorsqu’il consiste à faciliter la justification mensongère de l’origine de biens ou de revenus ou à apporter un concours à une opération de dissimulation du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit, le blanchiment, qui a pour objet de masquer le bénéficiaire ou le caractère illicite des fonds ou des biens sur lesquels il porte, notamment aux yeux de la victime et de l’autorité judiciaire, constitue en raison de ses éléments constitutifs une infraction occulte par nature.
Selon sa jurisprudence constante, le délai de prescription de l’infraction instantanée, mais occulte, court à compter du jour où elle est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique. Cette date doit être fixée au jour où les personnes susceptibles de mettre en mouvement l’action publique ont eu connaissance de l’infraction.

Or, il résulte des énonciations de la cour d’appel, relevant de son appréciation souveraine, que ces faits n’ont pu être portés à la connaissance du procureur de la République qu’en avril 2013, à la suite de leur découverte par Tracfin et que la prescription n’était en conséquence pas acquise à la date de l’ouverture de l’enquête préliminaire.

NOTE EXPLICATIVE

La Cour de cassation précise dans sa note explicative de l’arrêt que cette solution "contribue à marquer la distinction entre le blanchiment et le délit voisin de recel, qui lui est une infraction continue".

Elle n’exclut pas que dans la logique de décisions déjà rendues en matière d’escroquerie ou même de blanchiment, des opérations répétées de dissimulation, de placement ou de conversion, portant en particulier sur des mêmes fonds, exécutées sur une longue période, puissent être "considérées comme formant un tout indivisible", la prescription ne commençant alors à courir qu’à partir de la dernière opération.

La Cour de cassation précise que, lorsqu’il consiste à faciliter la justification mensongère de l’origine de biens ou de revenus ou à apporter un concours à une opération de dissimulation du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit, le blanchiment a pour objet de masquer le bénéficiaire ou le caractère illicite des fonds ou des biens sur lesquels il porte, notamment aux yeux de la victime et de l’autorité judiciaire. Elle en conclut qu’il constitue, "en raison de ses éléments constitutifs, une infraction occulte par nature".

Il s’en déduit a contrario que lorsque le blanchiment consiste à apporter son concours à une opération de placement ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit, il ne constitue pas une infraction occulte par nature.