Rapport sur la lutte contre les violences intra-familiales

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Émilie Chandler, députée, et Dominique Vérien, sénatrice, ont remis le 22 mai 2023 leur rapport « Améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales » à Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice et Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances.

Le rapport d'Émilie Chandler et Dominique Vérien formule 59 recommandations, dont une quarantaine mobilisent plus particulièrement la justice autour de trois axes majeurs : la formation, l’organisation des juridictions et la coordination des partenaires.

5 nouvelles mesures pour aller plus loin

Pour garantir l’approche globale et cohérente d’une situation familiale par tous les acteurs spécialisés, Éric Dupond-Moretti et Isabelle Rome annoncent de nouvelles avancées adoptées par voie de décret dès septembre 2023. Les mesures relevant de la loi font l’objet de travaux trans-partisans pour un calendrier parlementaire le plus court possible, à l’automne 2023.

Plusieurs mesures sont déjà actées et en cours de réalisation, telles que la meilleure information des victimes, notamment en fin de peine avec une réévaluation systématique du danger (décret de décembre 2021) et la protection des enfants du lien parental violent en intégrant les recommandations de la CIIVISE.

Le garde des Sceaux a annoncé également le déploiement d’outils techniques plus performants, notamment un bracelet anti rapprochement (BAR) 5G nouvelle génération dès juin 2023.

Une ordonnance de protection provisoire immédiate

Le garde des Sceaux propose d’améliorer la procédure civile en instaurant une ordonnance de protection provisoire immédiate, dans le respect de nos exigences constitutionnelles et en tenant compte des moyens supplémentaires obtenus pour le ministère de la Justice. Saisi par le Procureur de la République, le juge aux affaires familiales sera en mesure de statuer dans les 24H sans contradictoire, lequel serait rétabli dans le délai habituel des 6 jours. Cette procédure dérogatoire doit être provisoire et déclenchée selon des critères précis d’urgence et de danger à définir dans la loi. L’éviction du conjoint violent et des interdictions de contacts devront être conciliés avec les mesures pénales à la disposition du Procureur de la République et du juge pénal.

Création de pôles spécialisés au sein de toutes les juridictions  

Afin de mieux traiter les violences conjugales et garantir une réponse judiciaire cohérente par tous les intervenants spécialisés, le garde des Sceaux souhaite institutionnaliser les pôles spécialisés, en fixant un cadre réglementaire adapté par décret, permettant la modélisation d’une organisation uniforme, à visée opérationnelle, en respectant les principes d’indépendance et d’impartialité des juridictions.

Ces pôles reposeront sur une équipe dédiée spécialisée coordonnée à la fois par des magistrats du siège et du parquet, constituée de magistrats référents et d’attachés de justice, bénéficiant de formations dédiées, afin de recevoir une habilitation VIF.

Les pôles spécialisés pourront s’appuyer sur un nouvel outil informatique, actuellement en cours de construction, permettant de mieux évaluer les situations à risque ou la dangerosité de certains auteurs.

L’organisation des tribunaux judiciaires en matière de lutte contre les violences intrafamiliales sera également renforcée par la création d’un comité de pilotage unique au sein du pôle spécialisé afin de garantir le partage d'informations entre les différents partenaires saisis d’une même situation, notamment pour le suivi des mesures particulières de protection des victimes (ordonnances de protection, téléphones « grave danger », bracelets anti-rapprochement).  »  Cette organisation-type regroupant tous les acteurs judiciaires et partenaires associatifs sera modélisée sans préjudice des initiatives des chefs de cours et de juridictions liées aux spécificités et pratiques locales.

Pour la Fondation des Femmes, « le rapport demeure timoré en matière d’organisation de la justice en France, les propositions des parlementaires sont insuffisantes à l’instar de la création de ces “pôles” spécialisés chargés de coordination dans les tribunaux, qui existent déjà dans beaucoup de juridictions dynamiques (Nantes, Poitiers...). La création de “juridictions” spécialisées, sur un modèle espagnol plébiscité, est rejetée car vue comme un risque potentiel vis-à-vis de moyens insuffisants, tandis qu’il propose un renforcement des moyens du parquet sur ces thématiques. Ce rapport confond ainsi les causes et les conséquences d’un problème persistant : l’incapacité de l’Etat à doter la lutte contre les violences faites aux femmes de moyens suffisants et le manque de volonté politique pour permettre aux victimes d’accéder à la justice. Pourtant, l’opportunité politique d’un changement en profondeur est là : la création de juridictions spécialisées était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron en 2022, le Parlement est particulièrement dynamique sur le sujet et les Etats Généraux de la Justice ont permis l’augmentation des moyens de celle-ci ».

La Fondation « appelle les parlementaires et le Gouvernement à revoir la copie et à s’engager dans une réforme ambitieuse qui permettra la mise en place des juridictions spécialisées. Seule cette mobilisation générale du système judiciaire, assortie de moyens financiers conséquents, pourra apporter la réponse nécessaire à toutes les victimes qui se sont engagées au cours des dernières années dans des procédures longues et difficiles. Il est indispensable d’améliorer significativement la réponse judiciaire à #MeToo, afin que les tribunaux puissent faire face au caractère massif des violences faites aux femmes. Ceux qui demandent aux victimes de saisir les tribunaux ne peuvent ensuite les décevoir avec une justice défaillante ».

LE RAPPORT