Comment protéger et valoriser son logiciel ?

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Les logiciels sont des actifs immatériels protégeables par le droit de la propriété intellectuelle et valorisables financièrement. Les enjeux liés à la protection du patrimoine immatériel sont cruciaux car, bien souvent, la valeur du patrimoine d’une entreprise s’appuie principalement sur des actifs comme le savoir-faire, les noms de domaine, les marques, les brevets et les droits d’auteur.

Du fait de sa nature, le patrimoine immatériel peut poser des difficultés concernant :

  • l’identification des actifs qui le constituent,
  • l’établissement de la preuve de leur existence,
  • l’établissement de la preuve de la titularité des droits,
  • la valorisation et le management de ces actifs.

Il est indispensable que les personnes morales ou physiques propriétaires d’actifs immatériels fassent les bons choix pour les protéger et les valoriser. Pour cela, il y a un certain nombre d’éléments à maîtriser.

 

1. La protection des logiciels par le droit d’auteur

Le logiciel et le matériel de conception préparatoire sont considérés comme des œuvres de l’esprit. Ils figurent dans la liste des œuvres protégées par le droit d’auteur (article L112-2 du Code de la propriété intellectuelle).

Les composants suivants d’un logiciel sont susceptibles d’être protégés par le droit d’auteur :

  • le code source et le code objet ;
  • le matériel de conception préparatoire ;
  • le documentation/le manuel d’utilisation ;
  • l’interface graphique ;
  • les éléments multimédia incorporés (son, texte, image) ;
  • le titre.

Certains de ces éléments sont protégés par le droit d’auteur classique et d’autres par le droit d’auteur spécifique au logiciel. Dans tous les cas, il faut que la création soit matérialisée et également qu’elle remplisse le critère d’originalité posé par la loi.

La protection par le droit d’auteur est automatique, et elle intervient dès la création de l’œuvre numérique. En effet, selon l’article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle, « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».

Il n’est donc pas obligatoire de déposer les éléments de son logiciel pour que ceux-ci soient protégés par les droits d’auteur. Un logiciel non déposé sera protégé, sous réserve qu’il réponde aux conditions fixées par la loi. Cependant, il est en pratique très important de faire un dépôt probatoire de son logiciel.

a. Le dépôt probatoire du logiciel

Le dépôt d’un logiciel consiste, pour un titulaire de droits, à le confier à un tiers séquestre, comme l’Agence pour la Protection des Programmes (APP), dans le but de se préconstituer la preuve de ses droits.

Le dépôt probatoire sert à anticiper de nombreux problèmes en :

  • matérialisant le contenu et les évolutions de la création
  • prouvant la date de la création et la titularité des droits.

Ce dépôt est valable et reconnu devant tous les tribunaux des 181 pays signataires de la Convention de Berne.

b. Intérêts du dépôt probatoire du point de vue de la protection juridique

Le dépôt probatoire présente un double intérêt en cas de litige.

Tout d’abord, il permet de se protéger contre d’éventuelles réclamations des tiers, qui prétendraient être titulaires des droits, et également d’agir contre d’éventuels contrefacteurs, qui copieraient le logiciel.

Mais le dépôt peut aussi permettre d’éviter d’aller au contentieux. En effet, avoir un certificat de dépôt peut inciter les contrefacteurs à cesser tout acte de contrefaçon avant même que le titulaire des droits ne saisisse le juge. Un titulaire de droits ayant effectué un dépôt probatoire peut se servir de son certificat de dépôt pour inciter ses concurrents à cesser d’eux-mêmes leurs actes de contrefaçon, et ainsi éviter un procès long et couteux.

c. Intérêts du dépôt probatoire du point de vue de la valorisation

La protection de la propriété intellectuelle n’est pas uniquement une mesure pour faire face aux contentieux judiciaires. Elle permet également de mieux valoriser l’entreprise, notamment lorsque celle-ci est en recherche de financements.

Le dépôt probatoire aide à rassurer les investisseurs car il matérialise le patrimoine numérique de l’entreprise. Au fur et à mesure des dépôts des nouvelles créations et des mises à jour de celles-ci, le titulaire va obtenir un portefeuille de dépôts qui dessine une véritable cartographie de son patrimoine numérique.

Cela a aussi pour intérêt de consolider la réputation de l’entreprise car le dépôt régulier des différentes créations numériques d’une entreprise témoigne de son sérieux et de sa fiabilité. Or, une entreprise qui souhaite lever des fonds doit montrer qu’elle est crédible et pérenne. Le but étant de se rendre la plus attrayante possible auprès des investisseurs.

Disposer d’un logiciel innovant et performant est un premier élément de crédibilité, mais démontrer que l’on a pris soin de protéger ses droits d’auteur rassurera d’autant plus les potentiels investisseurs.

Déposer son logiciel est donc une étape fondamentale pour se protéger des risques de contrefaçon et pour valoriser son patrimoine immatériel.

 

2. Quand et comment valoriser le logiciel ?

Les contextes dans lesquels les logiciels peuvent être valorisés sont nombreux. Il est par exemple important de valoriser son logiciel lors d’une simple opération de cession du logiciel, mais également à l’occasion d’un apport en nature, une ouverture du capital et valorisation de la société, une levée de fonds, une fusion/acquisition… Cela peut aussi être utile dans le cadre d’un contentieux ou même de démarches fiscales concernant le taux réduit d’imposition sur les produits de cession ou de licence de logiciels.

Au moment de valoriser son logiciel, il est nécessaire d’adopter à la fois une approche « technique », une approche « marché » et une analyse opérationnelle et financière.

La première consiste à se poser les questions : en quoi consiste le logiciel ? Quelles sont ses fonctionnalités ? Comment est-il fait ? Quels langages sont employés ? Le code source respecte-t-il les normes de codage ? Quelle architecture a été mise en place ? Quelle ergonomie ? Quelle maturité technique ? Quel risque d’obsolescence ou de dépendance à des licences ou modules tiers ? etc.

La seconde consiste à se demander : comment le logiciel se positionne-t-il sur le marché ? en quoi est-il différent de ceux des concurrents, que ce soit du point de vue technique ou de son modèle économique ? Quel est son potentiel commercial sur son segment de marché ?

Enfin, la troisième approche se focalise sur le développement, la maintenance et l’exploitation commerciale du logiciel, son modèle économique : est-ce un logiciel libre ? Est-il distribué sous licences ? Quels types de licences ? Demande-t-il ou a-t-il demandé un effort particulier de maintenance de développement ? Quels coûts cela engendre-t-il ? Quel chiffre d’affaires permet-il de générer et pour quels bénéfices ? Et, plus délicat, quelle est la contribution du logiciel en lui-même à ces bénéfices le cas échéant ?

Il n’existe pas de méthode universelle pour évaluer la valeur de son logiciel. Plusieurs approches peuvent être employées selon le contexte.

a. Déterminer le coût de développement du logiciel

Cette méthode prend en compte les coûts de constitution (on considère ici le temps passé pour développer le logiciel, les investissements et les dépenses associés au développement). Dans ce cas, il est important d’avoir une traçabilité du temps passé et des investissements faits tout au long des développements. Il faut tenir compte de l’obsolescence des travaux passés, voire de la solution en elle-même.

Nous pouvons également considérer le coût de remplacement ou de reconstitution de ce logiciel à la date de l’évaluation : combien coûterait-il, comme  de le remplacer par une autre solution ? Cette approche permet de mieux tenir compte de la potentielle obsolescence de la solution à évaluer, ou encore du temps nécessaire à une reconstitution.

b. Estimer la valeur du logiciel à partir des revenus futurs liés à son exploitation directe et indirecte

Dans ce cas, nous allons évaluer ce que l’exploitation du logiciel peut rapporter à l’entreprise.

Nous définissons la contribution du logiciel « en l’état au jour de l’évaluation » aux bénéfices générés chaque année. Cette part du bénéfice est ensuite actualisée, avec un taux qui tient compte des différents risques à considérer, afin de déterminer la valeur du logiciel en lui-même, sous l’angle de son apport financier futur à l’exploitant.

Par ailleurs, les méthodes qui découlent de ces deux grandes approches relèvent d’une certaine technicité dans leur application, notamment par la définition de nombreux paramètres financiers ou de risques. Ces méthodes doivent respecter certaines normes en matière d’évaluation financière. Le principal guide en la matière étant les normes IAS/IFRS, mais aussi des normes annexes sur l’évaluation de l’immatériel, sans oublier les bonnes pratiques adoptées par les experts du domaine. Il est donc fortement recommandé d’être accompagné par des experts de la valorisation des logiciels, comme Finantis Value par exemple, offrant un accompagnement sur mesure aux entreprises cherchant à mettre un place une stratégie de gestion et de valorisation de leurs actifs logiciels.

En fonction du contexte, l’une ou l’autre de ces approches peut être retenue. Dans certaines situations, les deux méthodes sont combinées. Un logiciel peut par exemple coûter très cher à développer alors qu’il est devenu en partie obsolète ou qu’il ne permet pas à l’exploitant d’engranger autant de bénéfices que prévu. Dans ce cas, l’approche par les coûts sera plus avantageuse mais elle doit être temporisée en optant pour un coût de reconstitution ou de remplacement. Si, au contraire, le logiciel n’a pas demandé un fort investissement, mais que son exploitation peut générer d’importantes marges, alors la seconde approche sera la plus intéressante.

Il est donc essentiel de rester pragmatique dans l’analyse et de veiller à déterminer objectivement la valeur du logiciel en lui-même, dans son état et son environnement actuels. Une erreur fréquente consiste à uniquement estimer le coût historique qui n’est généralement plus d’actualité.

En réalité, ces deux approches sont nécessairement complémentaires. Dans tous les cas, il faudra prendre en compte les différents risques possibles, notamment les risques juridiques (problèmes de titularité des droits, potentiels contentieux…), les risques techniques (obsolescence, open source sous licence copyleft fort…), les risques d’exploitation, les risques de marché, etc.

 

Cet article est co-rédigé par Garance GONNET PRINCE, juriste PI à l’Agence pour la Protection des Programmes (APP) et Sylvie GAMET, CEO de Finantis Value.