Confidentialité des avis des juristes d'entreprise : l’Assemblée nationale adopte en première lecture la proposition de loi Terlier

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L’Assemblée nationale a adopté ce mardi 30 avril 2024 en première lecture la proposition de loi Terlier sur la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise.

La proposition de loi de Jean Terlier reprend les dispositions sur la confidentialité des avis des juristes d'entreprise contenues dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice qui avaient été votées par les députés en octobre 2023 et censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons procédurales.

Avec le développement ces dernières années de réglementations demandant aux entreprises de procéder spontanément à des mises en conformité (concurrence, données personnelles, etc…), les juristes d’entreprise français sont placés dans une situation qui ne leur permet pas d’informer par écrit les dirigeants des manquements qu’ils constatent. Le texte entend remédier à cette situation en instituant un legal privilege « à la française ».

Les députés qui avaient apporté des modifications en commission ont donné leur aval à ce texte en clarifiant certaines dispositions.

Le texte encadre la confidentialité des avis juridiques rendus par les juristes d'entreprise, tout en excluant les procédures pénales et fiscales garantes de l’ordre public économique. Les pouvoirs d’investigation seront garantis par l’intervention du juge en cas de contestation.
Le juriste d’entreprise devra avoir un niveau de diplôme de master en droit ou équivalent et avoir suivi une formation aux règles éthiques, établies par un référentiel défini par un arrêté conjoint du ministre de la Justice et du ministre chargé de l’Économie, pris sur proposition d’une commission dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par décret. Les frais de formation sont pris en charge par l’employeur.

Un amendement de Jean Terlier, adopté par les députés, précise que pour bénéficier de la confidentialité, une consultation juridique doit porter sur la fourniture d’un avis ou d’un conseil basé sur l’application d’une règle de droit. Cet ajout vise à exclure du bénéfice de la confidentialité les documents sans lien avec l’application d’une règle de droit, reprenant ainsi en partie les critères évoqués par le Conseil national des barreaux pour définir une consultation juridique.

Par ailleurs, le texte définit les conditions de la levée de la confidentialité qui peut être obtenue pour tout manquement pouvant faire l’objet d’une sanction au titre de la procédure administrative concernée, lorsque le document visait à inciter ou faciliter la commission du manquement.
Ainsi, les consultations couvertes par la confidentialité sont appréhendées par un commissaire de justice dans l'attente de la décision du juge sur le fond, pour éviter toute altération de ces consultations. La consultation appréhendée est placée sous scellé fermé par le commissaire de justice, qui dresse procès-verbal de ces opérations.

Malgré les réticences de certains acteurs du monde juridique, cette adoption marque un pas en avant pour la reconnaissance du rôle des juristes d'entreprise et pour la protection des intérêts des entreprises françaises. Pour les juristes d'entreprise, le vote de l’Assemblée nationale met fin à un retard historique de la France par rapport à leurs voisins. En effet, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse et l’Espagne offrent déjà cette protection à leurs entreprises. 

Cette adoption intervient également dans un contexte dans lequel la question de la confidentialité des avis juridiques fait l'objet d'une attention particulière, avec une autre proposition de loi adoptée par le Sénat en février dernier.

Arnaud Dumourier