Les émotions sont-elles incompatibles avec la stratégie de l'entreprise ?

Décryptages
Outils
TAILLE DU TEXTE

benedicte-haubold-artelieBénédicte Haubold, Artélie Conseil, nous explique pourquoi il est nécessaire de prendre en compte les émotions dans le cadre de la stratégie de l'entreprise.

Les Français travaillent au minimum sept heures par jour. Le lieu de travail devient inextricablement un lieu de vie, d’échange et de partage où l’on exprime consciemment ou inconsciemment ses émotions. Personne n’est épargné par la vie de l’entreprise ; salariés, managers ou membres de la direction, nous sommes tous, sans exception, impactés d’une manière ou d’une autre. Lorsque celle-ci est frappée par un événement complexe qui nécessite des changements profonds d’organisation, comme une restructuration ou une réorganisation par exemple, les émotions sont mises à l’épreuve. Bien souvent colorés de manière négative (anticipations anxieuses, tensions relationnelles, manifestations corporelles du stress : tachycardie, troubles du sommeil, etc.), les ressentis deviennent autant d’obstacles à la réalisation de la nouvelle stratégie.

La confrontation émotions / stratégie trop souvent négligée

Artélie Conseil, spécialiste des questions de relations entre risques humains et stratégie business, constate que les entreprises ne prennent que trop rarement en compte les émotions de leurs équipes dans la gestion même des opérations. Ce sont pourtant bel et bien les ressentis qui vont en très grande partie conditionner la capacité des uns et des autres à se remobiliser, à se réengager.
Dans un contexte où la réalisation des objectifs stratégiques devient l’unique priorité des actionnaires / directions, il convient de s’interroger sur les outils qui permettront d’explorer de manière constructive les doutes, les craintes et les frustrations qui ne manquent pas d’assaillir les esprits.
Cette étape essentielle permettra aux directions, actionnaires, fonds ou encore aux parties prenantes d’avoir accès à ces émotions, tout au long du processus, et de les considérer stratégiquement dans la mise en œuvre de la restructuration / réorganisation.

Deux étapes cruciales dans la prise en considération des émotions

1. Prendre conscience de l’impact des changements professionnels sur la vie des salariés pour rassurer, motiver et entraîner les équipes dans la même direction.
2. Une grande majorité des émotions négatives liées aux situations complexes a trait à la gestion du quotidien. Il est primordial pour les managers de s’en saisir activement pour gérer leurs propres équipes et être en posture d’anticipation.

Laisser la place à l’expression des émotions par l’implication active dans la stratégie

Paradoxalement, Artélie constate des expériences naissantes sur le terrain, lors des phases émotionnelles importantes, qui prouvent qu’émotions et stratégie peuvent être cohérentes.
Un exemple peu classique où des salariés se positionnent comme partie prenante "active". Ils forment ainsi des groupes par service, par département ou encore sous l’égide d’une personne volontaire, bien souvent non manager, pour faire état des "questionnements" en cours.
Ces questions remontent par un processus structuré aux dirigeants, aux actionnaires et aux Instances Représentatives du Personnel.
Il s’agit ici d’une démarche participative où les salariés expriment des émotions communes utiles à l’avancée des projets.
Attention, il ne convient pas de faire état de toutes les émotions de tout un chacun, mais de recenser celles qui bloquent la motivation et l’engagement de toute une équipe à la nouvelle stratégie... et dont le règlement favoriserait donc la mise en oeuvre.
L’écoute à l’épreuve de la stratégie en impliquant activement ceux qui subissent la situation peut être la clé d’une restructuration / réorganisation efficace et plus rapide. Les émotions ne sont donc pas incompatibles avec une stratégie business ; il faut tout simplement les utiliser de manière positive et constructive. Canaliser et filtrer avant de les faire remonter à travers un process clair et structuré et ainsi impliquer l’ensemble des personnes concernées par un projet semble évident. Mais comme toutes les évidences en période de crise, on passe à côté sans même y avoir pensé...

Les entreprises ne prennent que trop rarement en compte les émotions de leurs équipes dans la gestion même des opérations.

Bénédicte Haubold