Aide juridictionnelle : le projet de la Chancellerie suscite l'ire des avocats

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redaction acteUn document de négociation avec la profession d'avocat rédigé par la Chancellerie et dévoilé par Mediapart fait rejaillir la controverse sur le financement de l'aide juridictionnelle et a provoqué les réactions des syndicats et du barreau de Paris qui fustigent le projet.

Suite à la parution du "document de négociation avec la profession" préparé par la Chancellerie et rendu public par Mediapart le 1er septembre 2015, les syndicats d'avocats et le barreau de Paris ont fustigé ce projet qui prévoit notamment de revoir à la baisse la rétribution de certaines missions des avocats.
"Ce projet instaure un nouveau barème de rétribution qui, à titre d'exemple, indemniserait à hauteur de 180€ l'assistance pendant les 24 premières heures de garde à vue, au lieu de 300€ actuellement. En matière civile, un référé actuellement rémunéré 345€ serait payé 145€", relève le barreau de Paris dans un communiqué du 1er septembre 2015.

Pour le Syndicat des Avocats de France (SAF), "Si ce texte contient quelques maigres avancées comme la hausse du plafond de ressources pour bénéficier de l’aide juridictionnelle de 941 à 1000 euros, la réforme proposée implique de baisser l’indemnisation des avocats intervenants à l’aide juridictionnelle en renvoyant une hypothétique hausse à des négociations barreau par barreau, sans garantie, telle une vente à la découpe."
"Ainsi, la révision du barème de l’aide juridictionnelle conduit à diminuer l’indemnisation de l’intervention des avocats dans des matières essentielles comme les prud’hommes"., les divorces, les contentieux devant les tribunaux d’instance ainsi que les procédures d’urgences en matière de référé, c’est-à-dire les contentieux de la vie quotidienne pour lesquels l’accès au droit est aujourd’hui limité (crédits à la consommation, conflits liés au logement...)"
"Enfin, le financement de cette réforme au rabais n’est pas assuré au delà de l’année 2018 renvoyant les professionnels à des négociations budgétaires annuelles pour des missions qui relèvent pourtant de l’intérêt général et concernant l’ensemble de la population."

Il en est de même pour l'UJA de Paris qui considère que la Chancellerie propose une "MEFORME de l'aide juridictionnelle". "Le raisonnement étatique atteint le sommet de l’escroquerie intellectuelle lorsqu’il propose que la Profession finance elle-même l’AJ au nom... de notre « serment » ! Traduire : Amis justiciables, si demain la Profession se soulève contre une réforme construite autour de vous et pour vous, elle trahira par là même les fondements de sa déontologie. Mieux encore, le document formule des menaces à peine voilées en faisant référence, au choix, à une fonctionnarisation de l’AJ ou à un système libéral d’appel d’offre ! En résumé, l’Etat veut nous "faire les poches" (déjà percées) et ne prend plus ni masque ni gant pour accomplir son forfait.", indiquent les jeunes avocats parisiens.

Selon la Chancellerie, il s’agit d’un seulement d"un document de travail totalement évolutif, sur lequel des discussions sont encore en cours".
De son côté, le barreau de Paris ne veut pas d'une aide juridictionnelle "low cost".
Pour Pierre-Olivier Sur, bâtonnier de Paris : "il faut que la concertation entre le gouvernement et les avocats continue, mais en considérant comme fondamental le financement par la solidarité nationale du service public de l'aide juridictionnelle. Je suis convaincu que la Ministre de la Justice ne saurait accepter une telle régression de l'accès au droit et des libertés publiques".

Arnaud Dumourier (@adumourier)